Ce fut long, âpre et intense. Au terme de près de vingt-quatre heures de négociations, les législateurs européens ont échoué à s’entendre sur un projet de loi visant à réglementer l’intelligence artificielle (IA), le premier du genre au monde.

Ce texte, qui a déchaîné les passions bruxelloises ces derniers mois – et même au-delà -, vise à contrôler une technologie présentée par certains comme une menace potentielle pour l’existence de l’humanité.
Dans ses grandes lignes, il édicte des règles pour les systèmes d’IA à haut risque, en les classant de faible à inacceptable. Du diagnostic de maladie à l’obtention de crédit, en passant par la conduite autonome de véhicules et le tri de CV, l’IA s’immisce dans tous les secteurs et touche aux droits fondamentaux des citoyens. D’où les débats parfois houleux que le texte a générés.

Huis clos
Il fait l’objet depuis mercredi soir d’ultimes négociations à huis clos entre le Conseil et le Parlement européen, ainsi que la Commission européenne, destinées à déterminer sa forme finale.
Mais aucun accord n’a pu être trouvé, à ce stade, sur l’ensemble du projet de loi, et les discussions ont été reportées à vendredi matin. « Nous avons fait beaucoup de progrès ces dernières heures, reprise des travaux demain, restez à l’écoute ! » a tweeté jeudi Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur, l’un de ses architectes.

En réalité, il s’agit bel et bien d’un échec. A l’origine, les protagonistes pensaient vraiment pouvoir annoncer un accord sur la version finale du projet de loi jeudi matin.

ChatGPT en ligne de mire
« Il y a des accords sur certaines parties du texte, relativise l’un d’eux, mais ils sont provisoires, car il faut un accord sur tout, pour pouvoir parler d’accord… » En clair, ce n’est pas parce que certaines parties du texte semblent acquises, que les législateurs ne reviendront pas dessus vendredi.
Ceux-ci seraient notamment parvenus à tracer les grandes lignes d’un accord sur la question épineuse de la réglementation de l’IA générative – les systèmes comme ChatGPT -, jusqu’ici principal point de blocage.
Il prévoirait un modèle à plusieurs niveaux de régulation et des contraintes plus fortes pour les systèmes les plus puissants. Il réconcilierait ainsi le Parlement et de nombreux chercheurs, partisans d’un encadrement spécifique et ceux en faveur d’une autorégulation – France, Allemagne et Italie – redoutant que des règles trop strictes ne tuent les start-up européennes pouvant potentiellement rivaliser avec OpenAI ou Google.
« Beaucoup de sujets conflictuels ont été transférés des articles vers les considérants [lesquels permettent de préciser l’intention du législateur] », pointe une source au fait des discussions. « On pourrait utilement s’interroger sur les travaux techniques qui devront être menés par la suite » – soit après l’obtention d’un accord politique. La définition de l’IA, par exemple, a été intégralement transférée dans les considérants, faute d’avoir pu trouver un accord entre législateurs.

Définition de l’IA
Jeudi après-midi, juste avant de stopper les échanges, ces derniers menaient des discussions ardues concernant la sécurité nationale et la reconnaissance faciale notamment. L’utilisation de l’IA par les forces de l’ordre pour l’identification biométrique des individus dans les espaces publics et, aussi, pour la police prédictive – identifier des criminels, par exemple – fait particulièrement débat.
Vendredi, les parties se remettront autour de la table, non sans pression, tant l’enjeu est fort. Un accord doit absolument être conclu rapidement, faute de quoi la loi pourrait tomber dans les limbes, car il sera difficile de l’adopter à temps avant les élections européennes de juin 2024 – en vue d’une entrée en application, au mieux, en 2026.

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