On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Depuis sa création en 2020, Qubit Pharmaceuticals planche sur des algorithmes quantiques qui permettraient de modéliser des molécules et ainsi de découvrir de nouveaux médicaments. Mais jusqu’ici, la jeune société ne trouvait pas de machines suffisamment puissantes pour les faire tourner. C’est désormais chose faite, ou quasiment : un simulateur (émulateur dans le jargon informatique) , baptisé Hyperion-1, a été mis au point par la société tricolore, en partenariat avec Sorbonne Université. Ce genre de système, basé sur un ordinateur tout ce qu’il y a de plus classique, est capable de reproduire virtuellement le fonctionnement d’un ordinateur quantique à l’aide de méthodes logicielles. En effet, jusqu’à un certain niveau, un ordinateur traditionnel a suffisamment de puissance pour mimer des calculs quantiques.
« On privilégie cette voie car les ordinateurs quantiques ne sont pas encore prêts. Ils sont très bruités [ils génèrent des erreurs, NDLR], difficiles d’accès, très chers à la minute et surtout trop lents à faire les calculs », pointe Jean-Philip Piquemal, directeur scientifique de Qubit Pharmaceuticals (et directeur du Laboratoire de chimie théorique Sorbonne Université/CNRS). « Pour des applications industrielles comme la pharma, ça ne va pas : il nous faut des calculs qui se rapprochent de l’exactitude et qui ne prennent pas un mois ou un an. »
Avec Hyperion-1, la deeptech prétend avoir fait « une percée scientifique majeure » après avoir réussi des calculs quantiques simulant 40 qubits. « Il s’agit bien d’une simulation exacte de 40 qubits logiques réalisée avec une très grande vélocité, ce qui est un exploit inédit », affirme le cofondateur. Les calculs ont été menés en seulement quelques heures sur le supercalculateur français Jean Zay (sur 16 noeuds de calculs, avec 128 GPU Nvidia). Selon lui, un tel niveau de performance place Qubit Pharmaceuticals parmi les leaders mondiaux.
Les algorithmes, le nerf de la guerre
Car la jeune pousse n’est pas la seule à explorer la voie de l’émulation. En parallèle de leur course à l’ordinateur quantique, les géants tels que Google ou Amazon proposent leurs propres offres d’émulation. En France, Atos se targuait dès 2017 d’avoir conçu « le premier simulateur quantique commercial au monde », montant jusqu’à 40 qubits.
Pour Jean-Philip Piquemal, à court terme, la course à l’émulation est plus stratégique que celle au « hardware » quantique. « Pendant encore cinq à dix ans, on n’aura pas d’ordinateur quantique efficace. Pourtant, pendant ce temps, il faut à tout prix garder le lead sur le développement algorithmique, car ce sera le nerf de la guerre, insiste-t-il. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé dans l’informatique classique, avec Google qui a bâti un empire avec son algorithme de recherche… » C’est là qu’interviennent les émulateurs, pour perfectionner ces algorithmes quantiques.
Avec Hyperion-1, Qubit Pharmaceuticals espère déjà développer de petites molécules en chimie quantique. « L’avantage quantique se situe à partir de 30 qubits », note l’expert, c’est-à-dire qu’à partir de cette puissance, il y a un réel gain à utiliser une machine quantique plutôt que classique.
Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr
Leave A Comment