Petit à petit, le train de nuit fait son nid. Avec les inaugurations simultanées du trajet Paris-Aurillac, puis du Paris-Berlin le lendemain opéré par la compagnie autrichienne ÖBB, les passagers peuvent désormais compter sur six lignes nocturnes sur le réseau domestique au départ de Paris, plus deux internationales vers Vienne et Berlin.

« C’est un symbole positif, écologique et européen », a lancé le ministre délégué des Transports, Clément Beaune, mardi matin, à la descente du nouveau train couchettes Paris-Berlin, qui compte 312 places à raison de trois trajets par semaine. Soit une assez maigre capacité par rapport à l’avion entre les deux capitales.

Six lignes au lieu des deux rescapées
Et de rappeler que l’objectif gouvernemental sur le plan domestique est de passer à dix de ces liaisons abondamment subventionnées à horizon 2030. Alors que ne subsistaient plus que deux liaisons de ce type en 2016 (vers Briançon dans les Alpes et Latour-de-Carol dans les Pyrénées), après de multiples fermetures sous la présidence Hollande.
Le cap des dix lignes « saut de nuit », roulant sur le réseau classique et à petite vitesse, a été maintes fois réaffirmé par l’exécutif, depuis la relance amorcée en 2020. Sauvant ainsi des ferrailleurs 129 vieilles voitures Corail dont le sort semblait scellé.
Le problème est que le ministère des Transports a fait le plus facile avec les six lignes actuelles, et la phase suivante s’annonce comme un redoutable défi .
Car la prochaine marche à gravir concerne l’acquisition de trains neufs (voitures plus locomotives électriques), un challenge puisque la construction de tels convois prend entre cinq et huit ans, et que les constructeurs européens ne sont pas légion (Siemens, Stadler, Skoda…). Chez SNCF Voyageurs, on n’a actuellement aucun signal sur une prochaine commande étatique, au-delà des discours officiels.

Des projets longue distance à l’international
Un rapport ministériel sur les « trains d’équilibre du territoire » (TET) sorti en 2021 tablait sur un futur réseau de 15 lignes nationales de trains de nuit à horizon 2030, assorties de 15 lignes européennes jusqu’en Italie, Espagne, Allemagne et en République tchèque entre autres.
Qu’importe si la SNCF rechigne devant l’effort, les lignes domestiques seront aussi proposées à des compagnies concurrentes, conformément aux règles européennes, pour exploitation à partir de décembre 2027.
Mais « la France reste à la traîne, se désole le collectif Oui au train de nuit! : le gouvernement promet une dizaine de lignes d’ici 2030, mais repousse au prochain quinquennat l’investissement nécessaire pour construire les nouveaux trains ».
Le ministre des Transports a certes annoncé une commande en 2025 de trains de nuit neufs, mais en nombre insuffisant pour relancer un éventail de nouvelles lignes : « 150 voitures-couchettes, alors que l’étude du gouvernement proposait d’en acheter 600 ».

L’Etat tergiverse
« L’Etat tente de réduire l’ambition et de reporter dans le temps », déplore le collectif, après avoir applaudi les projets antérieurs. Dans le détail, « au lieu des 600 voitures, l’Etat a annoncé, fin 2021, la construction de seulement 300 unités ; il a ensuite reporté la décision à 2022, puis à 2023-2024. En février dernier, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) proposait de scinder des voitures en deux lots, pour n’en financer qu’un seul en 2023 (150 voitures pour les quatre premières lignes) et reporter la décision sur le deuxième lot à 2028 ». Ce qui rendrait très hypothétique les dix lignes promises pour 2030.
Par ailleurs, Oui au train de nuit ! dénonce le plan actuel de n’exploiter que des radiales Paris-province, et estime que des transversales nocturnes comme Biarritz-Nice ou Nantes-Nice, mal desservies de jour actuellement, seraient plus pertinentes.
Le problème est que les conseillers ne sont pas les payeurs. Malgré une hausse notable de la fréquentation, les trains de nuit à la française sont voués à un déficit structurel, même avec du vénérable matériel Corail largement amorti. Si un passager paye un euro, cela engendre grosso modo un déficit d’un euro, selon les spécialistes. L’Etat subventionne ainsi à hauteur de 10 millions par an le parcours français du nouveau Paris-Berlin, et de 3 à 4 millions la ligne d’Aurillac, qui ne roule pourtant que deux fois par semaine, faute de mieux.

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