Dans la famille de la complexité fiscale, je demande la cryptomonnaie. En effet, alors que la plus-value imposable est généralement définie comme l’écart entre le prix de vente et le prix d’acquisition, les règles de calcul de la plus-value en crypto sont différentes et plus fastidieuses à mettre en oeuvre.
Précisément, l’article 150 VH bis du Code général des impôts (CGI) définit la plus ou moins-value comme « la différence entre, d’une part, le prix de cession et, d’autre part, le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille ».
Intégration de la plus-value latente
Autrement dit : la plus-value ou la moins-value ne se calcule pas actif numérique par actif numérique. Elle est relative à la valeur de l’ensemble du portefeuille composé généralement de divers cryptoactifs (bitcoin, ethereum ou encore des stablecoins comme le tether indexé sur le dollar).
« Supposons que je revende des ethereums achetés 1.000 euros à un moment où ils valent toujours 1.000 euros. Malgré cette stabilité, si, en parallèle, mes autres cryptos en portefeuille sont en plus-value latente, je vais quand même devoir payer de l’impôt suite à la cession de mes ethereums », résume Pierre Morizot, cofondateur de Waltio qui édite un outil pour calculer les plus-values sur cryptoactifs.
Un exemple, même simple, permet d’appréhender la complexité de la formule et la raison de cette fiscalité. Imaginons un crypto-investisseur qui acquiert, en janvier, 2 ethereums pour un total de 3.000 euros (1 ether = 1.500 euros) et 0,4 bitcoin pour 10.000 euros (1 bitcoin = 25.000 euros). Il revend en septembre 0,2 bitcoin à un moment où 1 bitcoin vaut 30.000 euros. A ce moment, la cote de l’ethereum est à 3.500 euros. Sa plus-value imposable est donc égale à 6.000 – [13.000 x (6.000/19.000)], soit 1.895 euros.
Elle est imposée par défaut au taux de 30 % avec les prélèvements sociaux, soit le même taux que la flat-tax applicable aux revenus mobiliers. Depuis le 1er janvier 2023, le crypto-contribuable peut toutefois opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Une option fiscalement avantageuse pour les investisseurs appartenant aux deux premières tranches d’imposition (0 et 11 %).
Le paiement en crypto, déclencheur d’impôt
Cet exemple met en jeu seulement deux cryptos. Mais dès lors qu’il y a des dizaines d’opérations d’achat de vente, entrecoupées de prêts de cryptomonnaies, cela devient difficilement gérable pour l’investisseur livré à lui-même devant son ordinateur. Or, ces cessions multiples sont courantes, a fortiori quand l’investisseur détient une carte de paiement associée à son portefeuille de cryptomonnaies.
En effet, de plus en plus de plateformes de cryptoactifs proposent à leurs clients des cartes à l’usage identique à celui d’une carte bancaire. Ces cartes reposent d’ailleurs sur des prestataires semblables, comme Visa. Elles permettent à leurs utilisateurs de piocher dans leurs cryptos pour acheter des biens et services. Mais, en contrepartie, leurs détenteurs s’exposent au paiement de l’impôt sur le revenu. Ces transactions qui impliquent de la cryptomonnaie sont un fait générateur d’imposition.
En parallèle, les cartes cryptos donnent souvent accès à du cashback. C’est-à-dire à un remboursement, en l’occurrence en cryptomonnaies, d’un pourcentage de la dépense faite avec la carte. Tout comme les programmes de récompenses des banques ne sont pas imposés, la réception de ce cashback crypto ne donne pas lieu à une imposition, en tout cas pas immédiate.
« Cela a été précisé il y a quelques années par les services des impôts. Ce cashback est considéré juridiquement comme une remise commerciale », indique Pierre Morizot. En ce sens, ce cashback crypto se distingue fiscalement d’autres manières de recevoir « gratuitement » de la cryptomonnaie. En effet quand un actif numérique est versé en rétribution d’une activité effectuée sciemment par le contribuable, ce versement peut s’apparenter à une ressource perçue à titre professionnel.
Imposition ultérieure du cashback
Le gain peut alors relever du régime des bénéfices non commerciaux (BNC), comme le prévoit l’article 92 du Code général des impôts. Précisément, « lorsque les actifs numériques […] constituent la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement du système d’unité de compte virtuelle (notamment, activité dite de « minage »), les produits sont susceptibles de relever des dispositions de l’article 92 du CGI », indique l’administration fiscale dans le cadre d’un bulletin officiel (BOFIP) publié en juin 2023.
Ce BOFIP précise également que la valeur d’acquisition retenue pour le calcul du résultat imposable est égale à 0 lorsque les actifs numériques ont été attribués gratuitement. Autrement dit, dans ce schéma, si l’investisseur a gagné 100, il sera imposé sur 100 (100-0). Ce n’est pas le cas du cashback crypto. « Le cashback crypto va s’ajouter au patrimoine et faire augmenter le prix total d’acquisition du portefeuille crypto comme si l’investisseur avait lui-même acheté l’équivalent de son cashback avec des euros », indique Pierre Morizot.
Cette règle propre au cashback permet, de fait, de limiter la plus-value lors de la prochaine cession de cryptoactifs. Limiter l’imposition, oui, mais pas l’annuler. Car dès lors que le portefeuille global est en plus-value, la cession est imposable et imposée au titre de l’année en cours.
En effet, en vertu de la règle de calcul de la plus-value en crypto présentée ci-dessus, « la cession de l’équivalent du cashback déclenche l’imposition d’une fraction de la plus-value latente sur les autres cryptos. Elle est égale à la fraction que représente la valeur du cashback cédé sur la valeur du portefeuille total », explique Alexandre Lourimi, avocat fiscaliste pour le cabinet ORWL, spécialisé dans la crypto.
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