La monnaie nigériane est en chute libre. Depuis le début de l’année, le naira s’est déprécié de 44 % par rapport au dollar, rejoignant la livre libanaise au classement des monnaies les moins performantes du monde. De quoi alimenter la contestation qui gronde au Nigeria, avec des milliers de personnes descendues dans les rues cette semaine pour manifester contre la vie chère , alors que l’inflation galopait à près de 30 % en janvier. Pour endiguer l’effondrement du naira, la banque centrale du Nigeria a annoncé mardi une nouvelle hausse de ses taux d’intérêt, de 400 points de base, à 22,75 %. En juin dernier, la banque centrale avait déjà laissé le naira chuter de 40 %, dans le cadre des efforts du nouveau président Tinubu visant à unifier les taux de change officiels et non officiels.

Mais pour le gouvernement nigérian, la monnaie nationale serait également manipulée et l’objet d’un « sabotage économique » par le biais des plateformes de cryptos et de devises (Forex). La semaine dernière, le régulateur des télécoms a ordonné de bloquer l’accès aux plus importantes d’entre elles, comme Binance , Coinbase, Kraken, FXTM ou OCTAFX. Depuis, l’accès à leurs sites web est devenu intermittent, voire impossible pour certains utilisateurs.
Deux dirigeants de Binance qui sont arrivés dans le pays à la suite de cette décision ont même été interceptés et leurs passeports saisis. Dans la foulée de ces arrestations, Binance a interrompu les échanges de naira contre le bitcoin et l’USDT, le stablecoin en dollar de Tether.

« Activités criminelles »
Le gouvernement nigérian estime que des spéculateurs sur les devises utilisent les plateformes pour mener des « activités criminelles ». Et que celles-ci contribuent de manière significative à l’affaiblissement du naira.
« Nous sommes préoccupés par le fait que certaines pratiques se poursuivent, indiquant des flux illicites passant par un certain nombre de ces entités et, au mieux, des flux suspects », a déclaré Olayemi Cardoso, le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria. « Dans le cas de Binance, au cours de la seule année écoulée, 26 milliards de dollars ont transité par Binance Nigeria en provenance de sources et d’utilisateurs que nous ne pouvons pas identifier de manière adéquate », a-t-il ajouté devant la presse ce mardi.
Selon Bayo Onanuga, un des conseillers spéciaux du président Tinubu, Binance fixe « de manière flagrante » le taux de change du Nigeria et empêche la banque centrale de réguler ce taux. Selon les autorités nigérianes, les utilisateurs de Binance vendent des USDT et du bitcoin à un taux de change dollar-naira supérieur au prix du naira sur le marché parallèle, ce qui contribue à la chute de la monnaie nationale.

Souveraineté monétaire
Ce n’est pas la première charge du gouvernement nigérian contre Binance. En septembre 2023, la Securities and Exchange Commission (SEC) du Nigeria a affirmé que la plateforme n’était « ni enregistrée ni réglementée par la Commission et que ses opérations au Nigeria sont donc illégales ». Plus tôt dans l’année, la banque centrale avait interdit aux banques et aux institutions financières de prendre en charge les transactions cryptos, accusées de favoriser le blanchiment d’argent. 
Face aux dévaluations fréquentes du naira, les plateformes cryptos sont devenues populaires dans le pays pour conserver des liquidités ou se constituer une épargne. Pour limiter la menace du bitcoin sur sa souveraineté monétaire, le Nigeria est devenu le premier pays d’Afrique à lancer une version numérique de sa monnaie, l’eNaira, en 2021, l’année même où il a interdit le bitcoin comme moyen de paiement.

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