Leur modèle de start-up a tout du Web3 : émission de jetons, vente de NFT, rétribution des utilisateurs… Et pourtant, vous n’en trouverez aucune trace. Les mots ont été substitués. On parle de « digital collectibles » au lieu de NFT , de dollars en sus de cryptos et tout simplement de jeux vidéo plutôt que de métavers. Depuis peu, plusieurs start-up du Web3 se remettent à lever des fonds : +2,5 % à 1,9 milliard de dollars dans le monde au dernier trimestre 2023 selon Pitchbook. Elles sortent du bois, mais au prix d’un repositionnement produit et marketing.
A écouter Ilan Nabeth parler de sa jeune pousse Playmakers, pour laquelle il annonce boucler une levée de 1,5 million de dollars en pré-amorçage, sa plateforme n’a rien à voir avec le Web3. « Des millions de joueurs créent des contenus pour leurs jeux vidéo favoris mais sans en tirer de revenus. Avec Playmakers, nous les connectons à des studios partenaires afin qu’ils intègrent leurs assets aux jeux et touchent une commission sur les ventes, entre 10 % et 30 % », pointe le dirigeant, qui a été auparavant l’un des premiers employés du studio Homa Games .
Des traces de Web3 un peu partout
Pourtant lorsqu’on lit le document de présentation aux investisseurs (pitch deck) de la start-up, on y apprend que la mécanique de rémunération des contributeurs doit reposer sur le « MADE », un jeton créé sur la blockchain et dont le cours est censé s’apprécier à mesure que son adoption croît. Or aujourd’hui, celui-ci a disparu pour laisser place… à de l’euro et du dollar. « Le marché du Web3 est trop petit donc nous visons aussi les studios traditionnels », relève Ilan Nabeth. Des acteurs qui ne s’intéressent pas trop aux cryptos. Et puis, on ne compte plus les jeux Web3 dont le token s’est effondré : -95 % pour le français Dogami , et autant pour l’ex-leader Axie Infinity .
Le profil des investisseurs de Playmakers est aussi assez évocateur. On y retrouve les fonds Web3 RockawayX et V3ntures, et Sébastien Borget, le pape français du métavers derrière The Sandbox, et dont le business repose justement sur la création de contenus par les utilisateurs, vendables sur une place de marché en NFT. Enfin, si Ilan Nabeth a créé Playmakers à la base, c’est parce qu’il s’est « intéressé à la blockchain ». Autre signe que le vent a tourné : le PDG nomme comme outils de création de contenus… des IA génératives telles que Midjourney.
Savoir renoncer aux NFT…
Des jeunes pousses nées dans le terreau autrefois fertile de la blockchain et qui ont changé de discours pour lever des fonds, et viser un marché plus grand que les geeks des cryptos, il y en a d’autres. Dans les jeux hippiques, plusieurs acteurs ont voulu répliquer le succès de Sorare dans le football avec ses NFT. Ohrac a le premier tenté d’émettre des jetons indexés sur des chevaux mais sans succès. « Le cadre réglementaire ( Jonum ) a dissuadé les investisseurs », souffle Pierre Meskel, son fondateur. Son concurrent Eqwin a, lui, survécu en lâchant les NFT et son premier positionnement, « Ypoverse », censé être un « métavers hippique », confie la PDG Nina Caput. « Tu pourrais lever deux fois plus si tu gardais les termes NFT et Web3, me disait-on à l’époque. Et là on me dit que j’ai été visionnaire. »
Plus récemment, l’équipe de Jockiz a levé plus d’un million d’euros auprès de Tony Parker, ZEturf et Pyratzlabs pour son jeu fantasy reposant sur les jockeys. « C’est un jeu Web3 mais avec une expérience Web 2.0, la blockchain est trop abstraite, donc à aucun moment les utilisateurs n’ont l’impression d’utiliser des NFT ou des cryptos, d’ailleurs les échanges se font en euros », souligne Bilal El Alami, dont la start-up studio Pyratzlabs a accompagné la jeune pousse.
… Ou ne pas trop en parler
Dans ce cas, les NFT restent utiles comme objets représentant une valeur, et pouvant se revendre sur une place de marché – dont la sortie est en mars. Sur le site de Jockiz, les cartes des jockeys ont tout des cartes de footballeurs de Sorare mais à aucun moment les trois lettres magiques NFT ne sont visibles. Pour les trouver, il faut aller dans les conditions d’utilisation.
De son côté, Lyne Stambouli a levé 1 million d’euros pour sa plateforme EverRose, qui propose des « collectibles » de sites touristiques. Son objectif est de vendre ces cartes dans les boutiques souvenir d’une centaine de monuments à terme. Les deux premiers sont la Grande muraille de Chine et la Cité interdite, à l’issue d’un accord avec China Media Group. Là encore, les jetons non fongibles restent au vestiaire. Comme le résume la fondatrice, «
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