Trois questions au député Les Républicains (LR) de la Loire Antoine Vermorel-Marques, qui a déposé mardi 13 février une proposition de loi pour « démoder la fast fashion » grâce à un système de bonus-malus.
Pablo Maillé- 18 février 2024
4 000 tonnes. Chaque jour. Voilà la quantité de déchets, majoritairement textiles, que reçoit la décharge de Dandora, aux portes de Nairobi, au Kenya. En cause, selon les ONG Changing Markets Foundation et Climate Chance, une industrie mondiale de la mode de plus en plus polluante, désormais responsable d’un tiers des rejets de micro-plastiques dans l’océan et de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
C’est pour freiner la croissance de ce modèle du « tout jetable », incarné notamment par le géant chinois Shein et son prix moyen estimé à 7 euros par article, qu’Antoine Vermorel-Marques mène la charge. Le jeune député Les Républicains (LR) de la Loire a déposé ce mardi 13 février une proposition de loi intitulée « Démoder la fast fashion avec un système de bonus-malus ».
Concrètement, le texte prévoit notamment le ciblage des acteurs les plus néfastes pour l’environnement à raison d’une pénalité de 5 euros sur tous les produits estampillés fast fashion, censée compenser en retour les marques plus responsables, comme celles de l’industrie textile française. La proposition de loi doit être débattue ce printemps dans l’hémicycle. En attendant, le jeune trentenaire, figure de l’aile « écologiste » du parti de droite, a accepté de répondre à nos questions.
Usbek & Rica : Vous êtes né et avez été élu à Roanne, commune de la Loire porteuse d’une riche histoire textile. Cette proposition de loi est-elle avant tout personnelle, pour vous ?
ANTOINE VERMOREL-MARQUES
À Roanne et dans tout le bassin lyonnais, on était les rois du textile dans les années 1970. Aujourd’hui, il n’y a pas une seule famille de ma conscription qui n’a pas vu un de ses membres licenciés dans les années 1980–1990, à cause des politiques de délocalisations en Chine. Le sujet est donc sensible. Heureusement, depuis quelques années, les choses bougent. On a aujourd’hui un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale et régionale, notamment grâce à une forme de réindustrialisation. Le secteur local du textile va mieux car beaucoup d’industriels se remontent les manches chaque jour pour faire du « made in France ». Le problème est qu’ils se voient concurrencés par l’ultra-fast fashion.
En tant que plus jeune député de droite, je suis né comme beaucoup avec cette conscience du changement climatique, et cette nécessité de trouver des solutions. Je suis aussi fils d’agriculteur, j’ai eu en quelque sorte les pieds et les mains dans la terre pendant mon enfance, ce qui fait que j’ai une forme de respect, de sensibilité, par rapport au monde qui nous entoure. Pour autant, je suis quand même un homme de droite. Ça peut paraître contradictoire aux yeux de certains, mais ça ne l’est pas. Quand on regarde dans le rétroviseur, on s’aperçoit que le principe de pollueur-payeur, c’est De Gaulle ; l’instauration de l’écologie dans les politiques publiques, c’est Pompidou ; la Charte de l’environnement, c’est Chirac ! Bref, la droite apporte des choses qui restent, même si cela fait malheureusement longtemps qu’on n’est plus au pouvoir. Ce qui compte aujourd’hui, c’est qu’on arrive à construire aussi des propositions nationales ambitieuses comme celle-ci.
« La clé, c’est que ce n’est pas une taxe supplémentaire. On ne vient pas vous prendre de l’argent. »
Antoine Vermorel-Marques, député Les Républicains (LR) de la Loire
Par ailleurs, cette proposition vient du terrain. C’est en déjeunant début janvier avec des industriels du textile de ma région que j’ai pris conscience du problème. J’avais bien sûr conscience du phénomène de l’ultra-fast fashion, mais pas de son poids actuel dans les ventes, notamment de celui de Shein, qui détruit la filière textile française sans créer un seul emploi sur notre territoire. Parallèlement, je suis aussi tombé sur ces vidéos TikTok d’influenceuses vantant la surconsommation à travers des « hauls », c’est-à-dire des séances de déballage. Je me suis dit : « Non seulement il faut légiférer, mais en plus il faut sensibiliser. » Résultat, ma propre vidéo parodique du phénomène, surtout utile pour vanter les mérites de la proposition, a quasiment atteint le million de vues.
En quoi consiste concrètement votre proposition de loi ?
ANTOINE VERMOREL-MARQUES
Il s’agirait de mettre en place un système de bonus-malus. Cet outil est selon moi l’un des plus importants pour orienter les comportements et financer la transition écologique. L’idée est simple : vous achetez un t-shirt issu de l’ultra-fast fashion en ligne, vous avez un malus de 5 euros maximum par article. Au contraire, vous achetez un t-shirt respectueux de notre environnement, produit en France ou en Europe, vous avez un bonus de 5 euros maximum. La clé, c’est que ce n’est pas une taxe supplémentaire. On ne vient pas vous prendre de l’argent. On vient juste vous dire : « Si vous polluez, vous payez. Si vous ne polluez pas, vous gagnez. » Résultat, c’est gagnant à la fois pour le consommateur et pour la planète.
Aujourd’hui, depuis la loi anti-gaspi de 2018, l’éco-contribution que vous payez sur votre t-shirt peut être modulée jusqu’à 20 % du prix du produit. C’est beaucoup pour une voiture et un téléphone mais, pour un t-shirt à 2 euros, ça ne change strictement rien. Ce que je propose, en clair, c’est donc que pour les plateformes qui mettent en ligne chaque jour plus de 1 000 nouveaux produits se voient obligées de payer non pas 20 % supplémentaires, mais jusqu’à 5 euros.
L’autre avantage, c’est que ce système de bonus-malus est tout à fait possible en droit européen. Celui-ci permettrait de mettre en place un « passeport textile », modulable en fonction de l’impact carbone environnemental du produit. Typiquement, un produit Shein sera forcément le moins bien classé car il est produit dans des mauvaises conditions et transporté en avion. Son empreinte carbone est donc très négative. À l’inverse, le caractère modulable de cette éco-contribution permettra de favoriser le « made in France », et donc de créer des emplois. L’idéal serait que la mesure soit implantée à l’échelle européenne, mais je me méfie toujours de ceux qui disent qu’il faut forcément attendre l’accord de tous nos voisins – souvent, on finit par ne rien faire. En l’occurrence, on a la faculté nationale de le faire, et un règlement européen qui nous le permet, n’attendons pas ! C’est à l’État français de prendre ses responsabilités.
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