Ce sont des projecteurs dont les deux géants chinois Temu et Shein se seraient bien passés. Ce jeudi, une proposition de loi visant à réguler tout particulièrement l’ ultra fast fashion, portée par la députée Horizons Anne-Cécile Violland et soutenue par le gouvernement, va être examinée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.
Parmi la flopée de mesures présentes au sein de ce texte, l’un d’elle préconise purement et simplement de bannir, à compter du 1er janvier 2025, les publicités vantant ce type de produits et encourageant ce mode de consommation, dont Temu et Shein sont les deux principales incarnations.
Grands annonceurs
Des perspectives n’enchantant guère le secteur français de la publicité, qui n’entend néanmoins pas déterrer la hache de guerre.
« Historiquement, nous nous sommes toujours battus contre les interdictions et nous préférons la voie de l’autorégulation, souligne Magali Florens, directrice générale de l’Udecam (Union des entreprises de conseil et d’achat média). Mais n’allons pas nous lancer dans une guerre contre cette mesure d’interdiction de publicités relatives à l’ultra fast fashion. C’est une question de société et c’est ce mode de consommation qui est en question. Pas la publicité en tant que telle, et d’ailleurs interdire celle-ci ne sera pas suffisant pour réduire à néant ce phénomène. »
Cette interdiction concernerait aussi bien les médias historiques que les plateformes numériques et s’étendrait aux créateurs de contenus et aux influenceurs. Ce qui risque d’entraver le développement et l’implantation en France de Temu et Shein où les deux enseignes se sont montrées des plus actives en matière de marketing.
Sur l’ensemble de l’exercice 2023, les investissements publicitaires de Temu – qui n’a démarré ses communications dans l’Hexagone qu’à compter du deuxième trimestre de l’année écoulée -, et Shein ont ainsi été respectivement estimés à 27,5 millions et 43,8 millions d’euros par Kantar Media.
Des enjeux de notoriété pour Shein en France
Des niveaux déjà élevés. « Frôler la barre des 50 millions d’euros de budget marketing sur l’ensemble des médias, sur une année en France, vous classe dans la catégorie des gros annonceurs. A ce niveau-là, on retrouve des annonceurs tels que Mercedes Benz, Paco Rabanne Parfums ou encore Walt Disney Studio », compare un bon connaisseur du marché.
En 2023, Shein s’est ainsi établi comme le 144e annonceur en France, selon Kantar Media. Dans le détail, Temu a dépensé 85 % (soit 23 millions d’euros) de son budget publicitaire sur Facebook, Instagram, TikTok et Snapchat en France, d’après Kantar Media.
« A titre de comparaison, sa pression publicitaire (*) sur les réseaux sociaux en France équivaut à celle d’Amazon ou d’Orange », souligne Florence Doré, directrice marketing et communication France chez Kantar Media.
A contrario, Shein n’a investi « que » 12,5 millions d’euros sur les réseaux sociaux, soit moins de 30 % de son enveloppe budgétaire publicitaire consacrée au marché tricolore. « Leur stratégie en 2023 a consisté à utiliser des médias grand public, essentiellement la radio et la publicité extérieure, en complément du digital. Ce qui s’explique sans doute par des enjeux de notoriété dont ils sont encore en recherche en France », décrypte Florence Doré.
Temu, premier annonceur sur Meta dans le monde
Un fait est certain : le digital est clairement privilégié par les deux poids lourds chinois dont les dépenses publicitaires s’accroissent mois après mois.
En France, Shein et Temu ont ainsi fait leur entrée, en 2023, dans le Top 50 des principaux annonceurs via le format du programmatique, selon le dernier baromètre d’Alliance Digitale d’après qui Temu aurait même été le premier acheteur en programmatique lors du dernier mois de janvier.
Un dynamisme publicitaire qui dépasse les frontières hexagonales. L’an passé, la plateforme d’e-commerce Temu – dont l’activité est de fait loin de se limiter à la seule ultra fast fashion -, aurait même été le premier annonceur mondial sur Meta (Facebook, Instagram) et figurerait dans le Top 5 en ce qui concerne Google, croit savoir le « Wall Street Journal » . Ce qui aurait représenté près de 2 milliards de dollars de dépenses publicitaires uniquement au sein de l’écosystème du groupe de Mark Zuckerberg. Définitivement rien d’une bagatelle.
(*) : La pression publicitaire est un terme utilisé par Kantar Media pour qualifier les investissements bruts valorisés sur la base des plaquettes tarifaires des régies et ne tient pas compte des remises, négociations… etc.
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