Jean-Charles Naouri a adressé mardi une lettre d’adieu aux salariés Casino qu’il dirige depuis trente-deux ans. Derrière des remerciements appuyés au personnel, juste l’évocation de l’ambition passée et « d’éléments et d’événements » qui l’ont « contraint à prendre des décisions éprouvantes » : le surdiplômé qui a placé son groupe au bord de la faillite n’a pas fait l’ombre d’un mea culpa alors que ses créanciers ont dû faire une croix sur près de 5 milliards de dette, que les actionnaires ont tout perdu et que les réseaux historiques de supermarchés et d’hypermarchés ont dû être cédés.

Le courrier est arrivé la veille du jour où Jean-Charles Naouri aura lui-même tout perdu. Au gré de l’augmentation de capital de 1,2 milliard d’euros qui devait être finalisée mercredi alors que le cours de l’action était suspendu, sa participation de 51 % va être réduite à 0,48 %. Mercredi soir, le conseil d’administration devait démissionner et Jean-Charles Naouri perdre son titre de PDG.

Un « départ lancé »
Le manche de ce qui fut un gros-porteur de la distribution mondiale, présent du Vietnam au Brésil, est transféré au président du nouveau board, l’ancien secrétaire d’Etat chargé des retraites Laurent Pietraszewski, et à Philippe Palazzi, qui devient directeur général. Ce dernier sera le bras armé du nouveau propriétaire, le Tchèque Daniel Kretinsky qui a pris le pouvoir, associé au français Fimalac et au fonds britannique Attestor.
Philippe Palazzi, ancien de chez Metro et Lactalis , sera entouré par un nouveau comité exécutif qui comprend des dirigeants en poste et quelques nouveaux. Guillaume Seneclauze reste à la direction de Monoprix, Vincent Doumerc à celle de Franprix, Magali Daubinet-Salen à celle des magasins Casino qui restent (la proximité) et Thomas Métivier chez Cdiscount. Stéphanie Zolesio demeure présidente de Casino Immobilier comme Esther Bitton directrice des fusions acquisitions et Estelle Cherruau aux ressources humaines. Angelique Cristofari a été promue directrice financière après le départ de David Lubek. Hervé Daudin conserve les achats.
Alfred Hawawini vient de chez Google pour prendre la transformation et la stratégie et Christophe Piednoël venu de chez Lactalis devient directeur de la communication et des affaires publiques.

Avec la nouvelle équipe, va sonner l’heure de la relance d’un groupe recentré sur 800 Monoprix et 1.400 Franprix dans les grandes villes auxquels s’ajoute un dense réseau de 6.400 supérettes Petit Casino, Spar ou Sherpa sur tout le territoire. Le spécialiste du bio Naturalia complète le dispositif, avec Cdiscount.
Se préparant depuis juin par la visite de magasins, ce qui lui permet de promettre « un départ lancé », Philippe Palazzi se félicite de la cohérence d’un groupe « recentré sur le commerce de proximité qui deviendra la seule priorité des équipes », même s’il reconnaît que les hypers et les supers « apportaient du volume ». Les réseaux qui demeurent desservent 45 millions de Français et trustent 40 % de parts de marché à Paris.

Commerce de proximité « émotionnel »
Le Corse, qui fréquentait des magasins Casino dans sa jeunesse et qui a commencé sa carrière à Aix-en-Provence dans un Euromarché par des jobs d’été et de week-end, reste attaché au nom de Casino qu’il gardera pour l’entreprise. L’homme a gravi tous les échelons du métier de distributeur : « chef de rayon à mes débuts, j’étais enthousiasmé par le fait d’avoir à gérer si jeune un compte d’exploitation et une équipe », se souvient-il.
Le nouveau dirigeant annonce avoir « écrit le plan de création de valeur » du groupe. Il distingue le commerce « d’éloignement » des hypermarchés, qui n’attire le consommateur que par ses prix, et le commerce de proximité, « émotionnel », qui apporte des services et du lien social à ses clients.
Philippe Palazzi compte sur son expérience chez Metro pour servir les nombreux franchisés du « néo Casino » qui génèrent 70 % du chiffre d’affaires. « Ils ont les mêmes problématiques que les restaurateurs : le réassortiment en temps et en heure par une logistique de précision », confie-t-il aux « Echos ».
Sur le front de la vente, l’urgence sera cependant la remise en ordre des magasins trop longtemps délaissés. Les nouveaux actionnaires ont prévu 300 millions d’investissements par an jusqu’en 2028. Des embauches seront réalisées pour « réhumaniser les points de vente », dont l’objectif est de fidéliser leur clientèle.

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