L’intelligence artificielle (IA) est perçue comme un nouvel outil prometteur pour décrypter le monde, l’économie et les marchés financiers. Elle extrait du sens du chaos apparent. Cette intelligence « inhumaine » dans sa surpuissante capacité à brasser et analyser des masses d’informations et de données, a logiquement attiré l’attention du monde bancaire et financier. En quête de gains de productivité, de temps et de moyens, il souhaite automatiser le plus de fonctions possibles. Or l’IA est parfaitement adaptée aux tâches plus ou moins routinières de la finance (conformité, documents marketing…), qu’elle automatise en éliminant les erreurs humaines.
Ce bienfait de l’IA au niveau micro fait largement consensus, à la différence de son effet incertain sur le système financier. Sans contrôle adéquat, cette avancée technologique serait susceptible d’accroître l’instabilité financière et, dans certains cas, les crises, met en garde un article (1) des économistes et chercheurs de la Banque centrale européenne (BCE), publié dans la dernière revue de stabilité financière.
Garantes de la stabilité, les banques centrales perçoivent qu’elles assistent à une révolution qui les dépasse, bien plus par exemple que celle des fintechs (les sociétés à mi-chemin entre la finance et la technologie). L’IA est un secteur qui nécessite beaucoup de moyens, ce qui favorise, sur le modèle des Gafam, sa dimension oligopolistique dominée par quelques géants comme OpenAI . Les économistes voient dans cette possible concentration une vulnérabilité pour le système financier. Si un modèle unique de l’IA venait à se généraliser, il introduirait de nouveaux bienfaits mais aussi de nouveaux types de risques de comportements moutonniers dans un système financier déjà complexe.
L’ère des « deepfakes »
Les autorités monétaires n’ont pas gardé un excellent souvenir des initiatives lancées sur leur pré carré par certains Gafam, comme Meta avec sa monnaie 2.0, le Libra, qui finalement échoua après avoir tenté de passer en force. Elles redoutent de revivre cet affrontement avec les nouveaux géants de l’IA. Ils imposeront leurs standards sans faire preuve de transparence (pour protéger selon eux leurs secrets et leur valeur ajoutée), ni de volonté de réel dialogue avec les régulateurs. Plus puissants, réactifs et informés (accès aux données), ils auront vraisemblablement toujours un temps d’avance sur les banques centrales.
L’IA sera utile pour neutraliser certaines vulnérabilités financières, mais au prix de nouvelles sources d’incertitudes globales. Elle sera peu efficace pour anticiper et prévenir les grandes crises, des événements extrêmes, rares dans leur fréquence et uniques dans leur forme, pour le moment hors de la portée de son « intelligence », fondée sur l’étude de nombreux cas passés, selon l’analyse (2) de deux économistes de la London School of Economics. Utilisée par des esprits mal intentionnés, l’IA pourrait aussi servir à contourner les réglementations financières et bancaires, ou à manipuler les actifs financiers grâce aux « deepfakes ». Prises au sérieux, les fausses déclarations de banquiers centraux ou de dirigeants d’entreprises pourraient semer le chaos sur des marchés qui réagissent au millionième de seconde.
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