« Les milieux insulaires sont les plus impactés par le changement climatique. Nous le voyons tous les jours. Face à cela, notre message est celui du rassemblement. » André-Judes Cadasse est né en Martinique, sur les flancs de la montagne Pelée. Ici, la ferme familiale se transmet depuis quatre générations. De cette enfance rurale, il retient la liberté de pouvoir courir à travers champs et de grimper aux arbres. « Tout cela a participé à éveiller ma conscience écologique très tôt », estime-t-il.
Celui pour lequel consacrer sa vie à la terre a toujours paru comme une évidence quitte brièvement son île, direction Paris, où il réalise des études de logistique et de commerce entre Paris Dauphine et l’Essec. En parallèle, son frère cadet, Sébastien Cadasse, voyage en Amérique latine afin de se former en agroécologie. Lorsqu’il revient en Martinique pour reprendre le flambeau de la ferme familiale, André-Judes Cadasse quitte son CDI et le rejoint dans cette aventure. « Ce détour par la capitale m’a permis de prendre mon envol, se souvient-il. Il m’a aussi permis d’acquérir des notions fondamentales pour ce parcours. »
Un terroir reconnu au patrimoine de l’Unesco
En 2013, voilà donc les deux frères de retour sur les flancs de la montagne Pelée. Portés par ce projet commun, ils transforment la ferme familiale de 22 hectares en agro-ferme, dans laquelle le duo fait pousser des fruits et légumes de façon saine et organique, en faisant attention aux ressources naturelles qu’ils utilisent. Défenseurs du circuit court, les agriculteurs distribuent fruits et légumes à travers leur start-up Petit Cocotier. « Notre objectif est de recréer du lien entre producteurs agricoles et consommateurs, assure-t-il. Nous voulons faire de l’agriculture biologique au sens pur du terme, porteur de sens et de lien. »
Et plus encore que l’agroécologie, la ferme mise sur le jardin créole. « La créolité, c’est le mélange », explique André-Judes Cadasse en paraphrasant l’auteur martiniquais Edouard Glissant. « Nous sommes l’héritage de quatre continents. L’Histoire n’a pas toujours été facile, mais nous récoltons aujourd’hui les fruits de cette alliance. Dans notre alimentation, nous utilisons des épices qui n’étaient jamais censées se rencontrer ! » Parmi elles, le roucou, petite graine rouge typique des Antilles, est par exemple un puissant antioxydant et possède de nombreuses propriétés médicinales. Selon les scientifiques, cette particularité alimentaire expliquerait en partie la longévité exceptionnelle des habitants de l’île. Au 1er janvier 2023, la Martinique comptait près de 400 centenaires. « C’est un usage mondial qui appartient à l’humanité », affirme l’agriculteur.
Au fil des années, le projet gagne en importance et obtient jusqu’à 30 points relais sur l’île. L’équipe passe de dix à vingt salariés. « On a atteint des records par rapport à notre île, raconte André-Judes Cadasse. En période de Covid, il nous arrivait de livrer 1.000 paniers en une seule journée. » Forts de ce soutien, les agriculteurs décident de mener un autre combat de front. Main dans la main avec des scientifiques, ils contribuent à la reconnaissance au patrimoine mondial de l’Unesco de la montagne Pelée et des pitons du nord, soit 14.000 hectares de biodiversité. « Il était essentiel pour nous de faire rayonner notre terroir, explique André-Judes Cadasse. La Martinique fait partie des 36 hotspots de la biodiversité mondiale. Cette reconnaissance permet de faire voyager notre terroir, mais aussi nos épices, nos idées et notre philosophie. »
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