Le réchauffement climatique fait courir de trop grands périls pour que sa mesure attende le prochain rapport du GIEC – qui fait référence -, en 2027. Et les données du précédent (2021-2023) sont déjà trop datées. Pour éclairer les décideurs chaque année, un consortium de chercheurs de renommée internationale publie, pour la deuxième année, une actualisation des indicateurs clés. Cette mise à jour était capitale alors que s’ouvre la conférence de Bonn sur le climat (du 5 au 15 juin) en Allemagne, et que se prépare la COP29, qui aura lieu du 11 au 22 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan.

Ses conclusions, sans surprise, sont « inquiétantes ». Dans leur étude, publiée mercredi dans la revue « Earth System Science Data », les 59 scientifiques (issus de 44 institutions comme le CEA, le CNRS, Mercator Océan international, Météo-France, l’Institut Pierre-Simon-Laplace et Paris-Saclay) ont notamment mesuré le réchauffement causé par les activités humaines. Or, sur la décennie 2014 – 2023, celui-ci a enregistré un « rythme sans précédent », atteignant +0,26 °C, contre +0,18°C par décennie observé entre 1970 et 2010.
Par rapport à l’ère préindustrielle, en moyenne sur la décennie 2014-2023, la moyenne des températures liées à l’activité humaine a déjà atteint 1,19 °C. Cela témoigne d’une nette augmentation par rapport aux chiffres du rapport de 2023, qui portait sur la décennie 2013-2022 (+1,14 °C ), et par rapport au sixième rapport du GIEC (+1,07 °C sur 2010-2019).

La hausse des émissions carbone a ralenti
Pour la seule année 2023, le réchauffement attribuable à l’activité humaine a atteint 1,31 °C. Le réchauffement total observé a, lui, touché 1,43 °C – car la variabilité naturelle du climat a aussi joué, à commencer par le phénomène El Niño. L’ambition des accords de Paris de contenir le réchauffement sous 2 °C, et si possible 1,5 °C, voit sa fenêtre se fermer graduellement alors que l’humanité ne parvient pas à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES).
Celles-ci sont causées majoritairement par l’utilisation massive d’énergies fossiles telles que le pétrole, le gaz et le charbon. Et elles se situent à des niveaux record, avec 53 milliards de tonnes d’équivalent CO2 par an en moyenne de 2013 à 2022. Et même de 55 milliards pour la seule année 2022. « Elles ont augmenté de 30 % depuis les années 2000 au niveau mondial, mais leur croissance a ralenti de 2 à 3 % par an [à cette époque], à 1 % aujourd’hui », note Pierre Friedlingstein, directeur de recherche au Laboratoire de météorologie dynamique du CNRS.
Mais il faut bien comprendre que ça ne peut pas être un motif de satisfaction. Car cette hausse, même plus faible, vient alourdir ce qu’on appelle le « budget carbone résiduel ». Il s’agit du seuil d’émissions de CO2 à ne pas dépasser, pour garder 50 % de chance de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. Or ce budget carbone se réduit à toute allure… Il n’est plus que de l’ordre de 200 milliards de tonnes, contre 500 milliards dans la dernière évaluation du Giec. En d’autres termes, si le rythme d’émissions ne ralentit pas, il ne reste que cinq ans.
« C’est une décennie critique », alertent les auteurs du rapport. « On pourrait s’attendre à ce qu’un réchauffement mondial de 1,5 °C soit atteint ou dépassé dans les dix prochaines années », en l’absence d’un refroidissement causé par une importante éruption volcanique. « Mais c’est aussi la décennie où on pourrait s’attendre à ce que les émissions mondiales atteignent leur pic et commencent à décliner. » « Il faut atteindre des émissions nettes nulles le plus vite possible, ce rapport souligne l’urgence des négociations climatiques en cours », pointe Pierre Friedlingstein.

Des réussites encourageantes
L’action politique a déjà produit des « réussites », relève Valérie Masson-Delmotte, chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. « Le protocole de Montréal [en 1987] a fait baisser les composés qui détruisaient la couche d’ozone, et nous observons une réduction des émissions de soufre, notamment celles issues du transport maritime mondial [du fait de la convention Marpol de 1973, révisée en 2005]. »

La présence de ces polluants dans l’atmosphère avait un effet refroidissant -rendant d’autant plus cruciale la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, même si les émissions de particules dues aux incendies de forêt au Canada, ont elles aussi ralenti le réchauffement. Signe encourageant : les émissions de CO2 de la Chine pourraient avoir déjà atteint un pic.

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