Jean de La Fontaine est formel : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Mais lorsqu’il s’agit de la course que se livrent les acteurs de l’asset management pour intégrer les cryptoactifs à leur offre, difficile d’être aussi affirmatif. Dans le rôle du lièvre : les gérants américains. Depuis que le 10 janvier dernier, leur régulateur, la Securities and Exchange Commission (SEC), a donné à onze d’entre eux le feu vert pour proposer des ETF (exchange-traded funds ou fonds cotés en Bourse) directement investis en bitcoins (« au comptant »), les superlatifs pleuvent.

Dès les premières semaines, la collecte des véhicules lancés par les géants américains BlackRock et Fidelity s’envole à plus de 2 milliards de dollars chacun. Il a ainsi fallu moins de deux mois à BlackRock pour atteindre la barre symbolique des 10 milliards de dollars d’encours.

« Le record était jusque-là détenu par l’ETF d’Invesco répliquant le Nasdaq et cela lui avait pris plus d’un an », souligne Bryan Armour, directeur de la recherche sur la gestion passive pour l’Amérique du Nord chez Morningstar. Parti de rien, BlackRock est devenu, fin mai, le gestionnaire du plus gros fonds de bitcoins au monde, damant le pion au spécialiste américain des cryptos en place depuis plus de dix ans, Grayscale, mis au tapis pour ne pas avoir abaissé ses frais afin de s’adapter à cette nouvelle concurrence.

Dès 2019 en Europe
Mais ce démarrage en trombe semble aussi faire de l’ombre aux acteurs européens. Plusieurs d’entre eux s’étaient pourtant positionnés tôt sur les cryptoactifs en offrant des véhicules régulés, eux aussi « au comptant ». « Les premiers produits cotés en Bourse investis directement en bitcoins, et non via des dérivés, sont apparus dès 2019 en Europe », rappelle Pierre Debru, directeur de la recherche chez WisdomTree, un des acteurs de ce marché.

Leur structure reste toutefois plus complexe. Si, aux Etats-Unis, on parle ainsi d’ETF, c’est-à-dire de « fonds », il n’en va pas de même en Europe. Pour être qualifié d’ETF, un produit coté en Bourse doit répondre aux exigences de la directive Ucits (OPCVM en français). Or un fonds Ucits n’a pas le droit d’investir dans des cryptoactifs. De ce côté-ci de l’Atlantique, on parle donc d’ETC, le « C » signifiant « commodities » (matières premières). Une structure déjà retenue pour les produits adossés à l’or par exemple, mais qui freine le développement du marché.

Les chiffres sont sans appel : en cinq mois – en tenant compte de l’effet de marché très positif sur la période -, l’encours des ETF bitcoins américains est passé de zéro à plus de 60 milliards de dollars, alors que l’ensemble de ces produits cryptos plafonne à 14 milliards en Europe, après plus de cinq ans d’existence.

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