Avec son approche open source, Meta persiste et signe dans sa prise à contrepied d’OpenAI et des modèles fermés d’intelligence artificielle de ce dernier. Basé à Paris, son laboratoire de recherche Fair va apporter ses conseils à cinq nouvelles start-up utilisatrices de Llama ou d’autres modèles ouverts, dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme spécialisée Hugging Face et le fournisseur de cloud Scaleway. Les candidats sont appelés à se manifester d’ici le 16 août.

Parmi les défenseurs de la libre circulation des modèles d’IA dernier cri – un principe reconnu comme ayant permis les progrès scientifiques dans le domaine ces dernières années – Meta fait figure de dernier résistant. Fondé pour partager les recherches ayant créé ChatGPT avec une large communauté, OpenAI vit maintenant depuis plusieurs années sous une bulle opaque en ne rendant quasiment plus rien de public à propos de ses modèles d’IA pour empêcher tout mauvais usage de sa technologie mais aussi pour mieux les monétiser. Dans son sillage, Google ou encore Anthropic jettent un voile sur la plupart de leurs modèles et en facturent l’usage.

Achats massifs auprès de Nvidia
La même histoire se répète en Europe. Grand ambassadeur de l’open source, les Français de Mistral AI ne publient pourtant plus librement et gratuitement tous leurs modèles, notamment le plus puissant d’entre eux. La même raison financière aide à comprendre. « Avant cela, ils n’avaient pas de modèle économique », souligne un bon connaisseur du secteur.
oulet d’étranglement des champions de l’IA
En dépit des investissements gigantesques qu’elle suscite, l’intelligence artificielle n’en reste pas moins un pari économique incertain. A date, ceux qui profitent le plus de la nouvelle manne ne sont pas les spécialistes du domaine mais ceux qui les équipent : le roi des puces Nvidia, son fabricant TSMC et, dans une moindre mesure, les marques de serveurs comme HPE ou Dell. La course à l’intelligence artificielle se matérialise actuellement en achats massifs auprès de ces fournisseurs.

La coûteuse course aux GPU
Meta possédera par exemple 350.000 processeurs graphiques (GPU) Nvidia d’ici à la fin 2024 selon son patron Mark Zuckerberg, soit une dépense estimée par des analystes à environ 9 milliards de dollars en quelques années. Dans ce contexte, la viabilité économique de l’open source pose évidemment question. Sans les profits de son métier historique dans la publicité ciblée et ses propres besoins en IA pour ses plateformes, Meta pourrait-il justifier de telles sommes sans espoir de retour sur investissement ?

A l’inverse, ce n’est qu’après avoir abandonné l’idée de développer une activité à but non lucratif qu’OpenAI a pu nouer un partenariat rémunérateur avec Microsoft. Selon le média « The Information », l’entreprise de Sam Altman devrait doubler ses recettes en 2024 par rapport à l’année précédente, à 3,4 milliards de dollars. Open source ou pas, ses rivaux purs player des modèles d’IA vivent encore davantage de leurs levées de fonds que de leurs propres revenus.

Les applications plutôt que les modèles
Les difficultés commerciales de ces entreprises alimentent toutefois les espoirs du camp de l’open source. « Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup d’argent à faire avec les modèles fermés dans la mesure où les modèles ne sont peut-être pas la poule aux oeufs d’or que certains imaginent », relève Thomas Wolf, le directeur scientifique d’Hugging Face.

La start-up franco-américaine vit des conseils et des services qu’elle propose aux développeurs à l’oeuvre sur des modèles open source. Et sa conviction est faite. Ce ne seront bientôt plus les modèles mais les applications exploitant un modèle open source à l’état de l’art, avec les conseils de ses concepteurs, qui offriront le plus d’opportunités. Chez Meta, le chercheur Yann Le Cun est sur la même ligne. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de soutenir des start-up adeptes des modèles ouverts. « L’avenir de l’IA, ce sera beaucoup de petites sociétés qui vont adapter des modèles ouverts pour une expertise métier. L’enjeu est de trouver les bonnes niches de marchés où ce sera utile », dit-il. Devenus superflus mais coûteux, les modèles fermés seraient alors, peut-être, poussés dans une impasse.

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