Quatre scénarios principaux émergent, à quelques jours du premier tour. Avec chacun son lot de conséquences sur les marchés.
1- Trois blocs à l’assemblée avec une majorité relative du RN
C’est le scénario qui, à en croire les sondages, serait le plus probable. Lorsqu’ils ont fait tourner leurs modèles, les économistes de banques et les spécialistes chargés d’élaborer des stratégies de marché, lui ont souvent attribué une probabilité autour de 50 %. Dans ce cas, Jordan Bardella ayant déclaré qu’il refuserait d’être Premier ministre d’un gouvernement minoritaire, un gouvernement de transition devrait être constitué. Le risque d’instabilité politique serait accru. En l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le recours au 49.3 serait plus fréquent, avec un risque réel et répété de motion de censure. Et les marchés pourraient devenir plus nerveux à l’approche du débat sur le budget à la rentrée prochaine.
En revanche, comme l’explique Hadrien Camatte chez Natixis, « la capacité de mise en oeuvre du programme du RN serait relativement limitée, à l’exception de quelques mesures consensuelles sur le pouvoir d’achat ». La discipline budgétaire est un point sensible pour les marchés. Le 19 juin dernier, la Commission européenne a ouvert une procédure pour déficit excessif concernant la France. Laquelle doit lui soumettre sa proposition de budget pluriannuel d’ici au 20 septembre. Par ailleurs, il y a moins d’un mois, l’agence S&P a dégradé la note de la France à « AA- ».
Cette combinaison entre blocage des réformes voulues par Emmanuel Macron, instabilité politique accrue, et léger dérapage budgétaire laisserait les marchés dans l’incertitude. De nouveaux pics de volatilité ne pourraient être exclus. « Sur les marchés, il y aurait néanmoins une forme de soulagement d’avoir évité le pire et le RN serait obligé de revoir ses ambitions à la baisse en matière budgétaire », résume Benoît Gérard, chez Natixis. Le spread entre les taux français et allemands à 10 ans pourrait alors se resserrer légèrement, pour atterrir entre 60 et 70 points de base – une prime de risque nettement plus élevée qu’avant la dissolution – avec des pics possibles autour de 80 pb.
Quant à la Bourse de Paris, elle pourrait se stabiliser, même si les banques resteront vulnérables. Non seulement elles détiennent des quantités importantes d’Obligations assimilables du Trésor français, mais en plus, leur activité de crédit pourrait se réduire si les entreprises se montrent plus hésitantes à investir dans un environnement incertain.
2- Une majorité absolue pour le RN
Il s’agit du scénario le plus incertain car, même avec les premiers chiffrages, le programme du RN reste flou. En outre, il reste à savoir si, dans une situation de cohabitation, le nouveau gouvernement multiplierait les dépenses pour mettre en oeuvre son programme. Dans ce cas, la réaction des marchés serait forte. Le spread pourrait facilement monter à 100-150 points de base. Autre possibilité, qui semble correspondre avec une certaine inflexion du discours pendant la campagne éclair, le RN adopterait une attitude pragmatique, favorable aux entreprises et conciliante avec Bruxelles.
Objectif : gagner en crédibilité dans l’optique des élections présidentielles de 2027. Ce scénario « à la Meloni » n’empêcherait sans doute pas la mise en oeuvre de certaines dispositions phares comme la baisse de la TVA, une mesure coûteuse, inefficace économiquement et qui ne profite que peu aux consommateurs car les expériences passées montrent que les entreprises ont tendance à en profiter pour remonter leurs marges. « On estime que la mise en oeuvre des principales mesures du programme du RN entraînerait un creusement du déficit de 1 % par an, avec un financement qui reste, à ce stade à la fois flou et optimiste », commente Hadrien Camatte.
Les investisseurs demanderaient donc une prime de risque liée au risque de dérapage budgétaire. En outre, si en fin d’année, Moody’s s’aligne sur Fitch et S&P et relègue la France tout en bas de la catégorie « double A », les investisseurs risquent de commencer à anticiper la dégradation suivante et d’aligner les taux français sur ceux de l’Espagne. Mais si le nouveau gouvernement respecte les règles budgétaires de Bruxelles et si le ministre des Finances est un technicien qui n’est pas issu des rangs du RN, le spread pourrait rester cantonné entre 80 et 120 points de base.
L’impact sur la Bourse est plus difficile à évaluer, mais compte tenu de la dégradation de la prime de risque sur les actifs français (et donc du coût de financement) et des incertitudes sur l’environnement économique, fiscal et réglementaire, les actions pourraient souffrir, en particulier dans le secteur financier, celui de la construction et celui des services aux collectivités.
3 – Percée du Nouveau Front populaire qui obtient une majorité relative
Sur le papier, c’est le scénario du pire pour les marchés. Le programme de la gauche unie prévoit de très fortes augmentations de dépenses, censées être financées par des hausses d’impôts et une plus forte croissance. De quoi effrayer les investisseurs qui doutent de la réalité de ces recettes futures. Mais là encore, tout dépend de l’application ou non de ces promesses. « Il y a quand même peu de chance que le programme mis en place soit celui qui a été présenté, souligne Hadrien Camatte. Les réformes mises en oeuvre le seront dans un cadre budgétaire contraint. Et le choix du Premier ministre devrait jouer un grand rôle aussi. » Le dérapage tant redouté des finances publiques n’aurait donc pas lieu.
« En revanche, on changera de paradigme, avec des hausses d’impôts et une politique beaucoup moins « pro business » que celle du gouvernement actuel, avertit Benoît Gérard. Cela va forcément se traduire dans les rendements demandés par les investisseurs. »
Pour les analystes de Natixis, cela se solderait par un maintien du spread avec l’Allemagne à ses niveaux actuels. Ils estiment peu probable de le voir redescendre sous les 60 points de base, niveau auquel il évoluait avant l’annonce de la dissolution. Il pourrait même connaître quelques soubresauts avec des pics entre 80 et 100 pb.
Cette sérénité ne tiendrait pas, en revanche, face à une plus large victoire du Nouveau Front populaire. S’il devait atteindre la majorité absolue, le spread pourrait décoller. Il devrait dépasser les 100 pb, prédit un gérant de JP Morgan AM. D’autres le voient même atteindre les 150 pb, soit le niveau de spread actuel entre l’Italie et l’Allemagne. Côté actions, la Bourse devrait réagir très vivement à cette issue du scrutin qu’elle n’anticipe absolument pas. Certains experts envisagent même un plongeon de 20 % de l’indice CAC 40.
4 – Une majorité relative pour les alliés du président Macron
C’est de loin la solution qui aurait le plus la faveur des marchés. Mais c’est aussi la moins probable, au vu des derniers sondages. Ce qui apparaît certain est que, même si les macronistes obtenaient la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, cette dernière serait encore plus faible qu’actuellement. « Les députés de la majorité présidentielle ont été très ébranlés par la surprise de la dissolution, analyse Hadrien Camatte. Cela devrait laisser des traces. » Il deviendrait donc plus compliqué de mener à bien les réformes. En outre, le programme du camp du président prévoit lui aussi quelques dépenses nouvelles en faveur du pouvoir d’achat. On assisterait donc à un retour au calme sur les taux, mais avec une perspective un peu moins favorable. « Le spread devrait évoluer entre 50 et 65 pb, plutôt dans la partie haute de la fourchette », confirme Benoît Gérard.
En attendant la composition définitive, les marchés devraient être très attentifs aux résultats du premier tour dimanche. Si c’est la perspective d’une majorité relative pour le RN qui se dessine, la situation sur les marchés ne devrait pas trop se détériorer. Il est même possible qu’elle s’apaise quelque peu. Mais en cas de surprise, quelle qu’elle soit, les réactions pourraient bien être extrêmes.
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