Le « train des primeurs » risque à nouveau de rester définitivement à quai. Ce convoi spécialisé, qui transporte des fruits et légumes avec des wagons réfrigérés entre Perpignan-Saint-Charles et le marché de Rungis cinq fois par semaine, s’arrêtera de fonctionner dès ce vendredi, le dernier du mois de juin. Comme de coutume, puisqu’il s’agit d’un service saisonnier, qui reprend d’ordinaire en octobre.

Sauf que cette fois, l’arrêt risque d’être définitif, faute de garanties sur l’avenir. Au grand dam des défenseurs du fret ferroviaire, qui dénoncent une aberration écologique.

Symbole du fret ferroviaire
Cette ligne, symbole de la décarbonation des transports longue distance (elle évite de mettre 9.000 camions par an sur les autoroutes françaises selon la SNCF, et même plus de 20.000 d’après la CGT) est hautement menacée : elle fait partie des 23 « flux » (soit 30 % de son trafic total) que Fret SNCF doit abandonner et céder à la concurrence , dans le cadre du « plan de discontinuité » imposé par Bruxelles au groupe français, au terme d’une longue enquête sur des aides publiques excessives.
A ce jour, 22 de ces services réguliers de marchandises ont été stoppés, la seule dérogation agréée par Bruxelles portant sur un train de produits sidérurgiques.
La SNCF avait même joué les prolongations jusqu’à présent, car le Perpignan-Rungis devait logiquement changer d’opérateur au 1er janvier dernier, mais aucune autre compagnie n’avait répondu à « l’appel à manifestation d’intérêt » du ministère des transports.
Autre problème à l’horizon, des travaux prévus sur le terminal de Rungis par son exploitant Semmaris, qui pourraient durer un an et demi, retardant de beaucoup une éventuelle reprise. Les pouvoirs publics espèrent néanmoins trouver l’oiseau rare, après l’inauguration de la nouvelle plateforme francilienne.
Le ministère a ainsi publié à la mi-mai un nouvel appel à manifestation d’intérêt « à compter du service ferroviaire annuel 2026 ». En laissant la porte ouverte à « un accompagnement nécessaire par la puissance publique », en clair une nouvelle subvention annuelle. Consultation qui sera close dès le 19 juillet prochain, selon nos informations.
Sans baisser les bras, le ministre des transports Patrice Vergriete s’était dit volontariste, quelques jours avant. « Des travaux vont être réalisés à Rungis pour augmenter et moderniser les capacités du fret ferroviaire combiné. Le train des primeurs reste plus que jamais une priorité et l’Etat va relancer un AMI pour garantir la relance d’un service ferroviaire », avait-il assuré en avril. Des engagements laissés à son probable successeur.

Un arrêt de deux ans en 2019
Un épisode de plus dans l’histoire en accordéon de ce train spécialisé. Ce convoi de nuit, chargé de fruits et légumes majoritairement importés du Maroc par camions jusqu’à Perpignan, avait subi un premier arrêt entre 2019 et 2020, avant d’être relancé en octobre 2021 par le gouvernement Castex… jusqu’au plan de discontinuité bruxellois.
A l’époque, l’ex-premier ministre et ex-élu local catalan, espérait étendre ce service sur un axe ferroviaire européen plus large, de Barcelone à Anvers. Puis il n’a pas roulé pendant deux mois en 2023, lors des manifestations syndicales contre la réforme des retraites.
Une chose est sûre, un éventuel repreneur ne prendra pas les antiques wagons de Fret SNCF, modernisés et repeints pour la relance de 2021. « Les wagons ne sont pas au niveau, coûtent cher en entretien, et en exploitation. L’avenir de la ligne serait plus pertinent en mode transport combiné », avance-t-on chez Rail Logistics Europe, la maison mère de Fret SNCF.

L’autre problème récurrent de la ligne est le retour à vide des trains. Des contacts avec des enseignes de bricolage, pour charger le convoi dans le sens nord-sud, n’ont rien donné. « Le taux de remplissage du train des primeurs est variable, et la question du retour n’a pas été réglée », indique Jean-Luc Gibelin, le vice-président de la région Occitanie en charge des mobilités. « Nous continuons à travailler d’arrache-pied au développement du terminal Saint-Charles », ajoute-t-il, en l’occurrence pour du transport combiné, consistant diriger des semi-remorques vers des trains spéciaux.

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