Voies inondées, obstruées par des éboulements ou des chutes d’arbres, surchauffe de rails, incendies, déstabilisation des sols ou des ouvrages d’art après de fortes pluies, défaillance de l’alimentation électrique en cas de canicule ou de tempêtes… Pour la SNCF, l’impact potentiel du réchauffement climatique est loin d’être neutre.

Si l’entreprise ferroviaire nationale est habituée de longue date à gérer les aléas climatiques, la multiplication prévisible des événements extrêmes a conduit les hautes sphères du groupe à se saisir sérieusement du sujet.

Coût élevé des sinistres climatiques
« Jusque-là traitée comme une question technique, l’adaptation au réchauffement climatique est devenue un sujet de direction générale il y a environ deux ans. Mais c’est un immense chantier », indique Vivian Dépoues, spécialiste du sujet au sein de I’Institut de l’économie pour le climat. Chez SNCF Réseau, principale entité du groupe concernée, le programme a été confié à Alain Quinet, directeur général exécutif en charge de la stratégie.
La Cour des comptes a rappelé en mars dernier, dans un rapport sur l’adaptation au réchauffement du réseau ferroviaire , que les sinistres liés à la météo pouvaient coûter cher : près de 18 millions d’euros par an entre 2019 et 2022 – sans parler des pertes d’exploitation liées à la fermeture temporaire de lignes. Les dégâts causés par la seule tempête Alex d’octobre 2020 dans la vallée de la Roya ont coûté 25 millions d’euros à SNCF Réseau, indiquent les Sages.

Ces chiffres ne reflètent toutefois que le passé, sans augurer l’impact d’un réchauffement de 4° C à horizon 2100, désormais considéré comme le scénario de référence en France – en tout cas, dans le plan que le gouvernement devait présenter ces jours-ci, une présentation reportée sine die en raison de la situation politique.
L’entreprise ne part pas de zéro. De nombreuses actions sont déjà mises en oeuvre, avec une accélération ces dernières années. « Nous avons mis en place par exemple des systèmes d’alerte avec des objets connectés, pour mesurer les crues, la surchauffe des rails ou les seuils limite de pluviométrie, qui nous permettent d’adapter la vitesse ou la circulation des trains », indique Benoît Chevalier, directeur des projets d’adaptation chez SNCF Réseau.

Eviter un rétrofit systématique
Le budget consacré au débroussaillage à proximité des voies, pour éviter les incendies en cas de vague de chaleur, a grimpé de 50 millions d’euros dans les années 2010, à plus de 200 millions aujourd’hui. « Et il va continuer à augmenter », indique le responsable. De même que le budget lié au curage des fossés, pour limiter les conséquences des épisodes cévenols de pluies intenses. Autre exemple, la SNCF travaille désormais avec Météo France et interrompt maintenant la circulation des trains si la vitesse prévisible des vents dépasse un certain seuil.
La mise en place d’un projet spécifique sur l’adaptation va permettre d’inscrire ces actions dans un véritable plan stratégique. « Nous en avons déjà acté les grands principes, indique Alain Quinet. Nous voulons notamment éviter de nous lancer dans un rétrofit systématique, qui serait trop coûteux : nous devons intégrer l’adaptation dans l’enveloppe de renouvellement du réseau, qui a déjà été augmentée. »
Le gouvernement a annoncé l’an dernier un vaste investissement de 100 milliards d’euro s dans le ferroviaire, destiné notamment à moderniser le réseau. Et Bruno Le Maire, qui avait demandé à toutes les grandes entreprises publiques (SNCF, EDF, RTE, etc.) de lui présenter leur plan d’adaptation d’ici la fin de 2024, avait bien précisé qu’il était pour cela « inutile de toquer à la porte du ministère des Finances ».

SNCF Réseau a commencé par lancer de grosses études de vulnérabilité à un réchauffement de 4° C. Celui-ci est aussi désormais pris en compte lors des investissements : nouvelles lignes, renouvellement des rails ou des caténaires. « Et ce, en fonction de leur durée de vie : 30 ans pour les rails, 60 à 70 ans pour les caténaires… », précise Alain Quinet.

Vétusté des équipements
L’entreprise travaille aussi à la mise en place d’outils centralisés de suivi des coûts liés aux aléas climatiques : prévention, réparation des équipements, mais aussi pertes d’exploitation liées à l’annulation ou aux retards des trains. « L’objectif est d’être prêts fin 2024 », indique Benoît Chevalier.
Déplorant, par exemple, la vétusté de certains équipements (elle cite notamment le réseau des télécommunications ferroviaires, qui compte encore 33.000 kilomètres de fils de cuivre souvent mal isolés et sensibles aux inondations), la Cour des comptes a insisté dans son rapport sur la nécessité de mettre en place un « pilotage stratégique plus structuré », comprenant un véritable plan d’action et d’investissements, qui restent donc à chiffrer.
Ce plan nécessitera une « forte implication des pouvoirs publics », car ce sont eux qui devront définir quelle résilience l’Etat attend du réseau ferroviaire, rappellent aussi les Sages. « Nous souscrivons totalement aux recommandations de la Cour des comptes », répond Alain Quinet. L’annonce d’un tel plan risque de prendre encore un peu de temps.

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