Le petit noir n’a plus le monopole du marché du café. Dans de nombreux pays, sous l’influence américaine, le café latte, le cappuccino, les versions glacées voire aromatisées font florès. Le soluble et le café filtre n’ont pas dit leur dernier mot. Et le café en grain connaît une nouvelle jeunesse.
Dans cet environnement hypersegmenté et ultra-concurrentiel , les dosettes jouent une partie très complexe. En France, où « les compatibles Nespresso » ont connu un très beau développement jusqu’à s’arroger aujourd’hui la moitié du marché en grande surface, très loin devant toutes les autres catégories, les ventes ont reculé de 1,6 % en 2023 et encore de 2,2 % en 2024, au 19 mai en volume, selon Circana. En valeur, les progressions respectives sont de +6,6 % et -0,6 % cette année. L’inflation n’est pas étrangère à la situation. La baisse de pouvoir d’achat et les préoccupations environnementales non plus .
Pas de boutiques supplémentaires
Dans ce décor mouvementé, Nespresso, qui n’est pas commercialisé par les enseignes, a notablement enrichi sa stratégie de développement. Celle-ci ne passera pas par l’ouverture de boutiques supplémentaires en France, alors qu’elles ont longtemps été le fer de lance. En revanche, la filiale de Nestlé, dont l’obsession est le niveau de rentabilité, repousse sans arrêt les frontières du haut de gamme quitte à jouer la carte du luxe. Les éditions limitées font partie du registre.
Issues de provenances rares ou de petits terroirs, comme Jamaïcan Blue Mountain et Galapagos, ces dosettes sont proposées à des prix cinq fois supérieurs aux gammes classiques à 2,50 euros l’unité. Nespresso n’a pas hésité à consacrer vingt ans de recherche à la mise au point de l’une de ces éditions limitées : la « Numéro 20 » issue de mélanges colombiens, mise au point par Alexis Rodriguez, un microbiologiste spécialisé en biostatique devenu le grand ordonnateur du goût et des assemblages de café chez Nespresso à Romont, en Suisse.
R&D et dégustations
Alexis Rodriguez et ses 17 collaborateurs sont chargés de la R&D chez Nespresso. Ils sélectionnent et évaluent les cafés verts, puis développent les produits. L’équipe goûte 300 tasses de café par jour en deux séances. Ils recommencent l’exercice, à raison de 60 tasses dans une journée, lorsque les dosettes sortent des trois usines suisses où elles sont fabriquées pour le monde entier.
« En moyenne par semaine, nous dégustons 1.750 tasses », affirme Alexis Rodriguez. Des exercices qui ne vont pas sans quelques contraintes. Comme l’interdiction de manger trop épicé ou d’être en contact avec des saveurs et des arômes trop puissants, qui affecteraient leur odorat et leurs papilles.
Les éditions limitées sont toutes associées à de gros efforts marketing, soutenues par des chefs étoilés et lancées à des moments particuliers comme la fin de l’année ou de grands événements comme le Festival de Cannes. Elles visent une clientèle très aisée, versatile et sensible à la rareté. Chaque année voit surgir une dizaine de ces éditions limitées.
Dans l’esprit haut de gamme aussi, Nespresso a créé une nouvelle machine tout en Inox, Creatista, vendue 500 euros, qui « décline toutes les densités de mousse de lait, chaudes ou froides », comme dans les coffee-shops.
Retour du grain… de luxe
Dans un environnement caractérisé par des hausses de coûts et une baisse de production, Nespresso n’est pas seul à jouer la carte du luxe. D’autres, parmi lesquels le géant italien Lavazza, jouent plutôt le retour du grain . Une nouvelle tendance émerge, notamment en France avec les cafés en grains de luxe qui déclinent « la complexité aromatique » à la manière du vin et du cacao. Là encore les prix pratiqués visent à en faire des produits d’exception.
A Paris, le café Substance propose « une expérience unique de dégustation de cafés rares » torréfiés sur place et préparés en cafetière de verre surmontée d’un filtre. Il se boit sans sucre, ni pâtisserie, ni musique entre 8 euros et 21 euros la tasse. Les paquets de 100 grammes à emporter se vendent entre 19 et 57 euros.
Dans le même ordre d’idées, Terres de café propose une gamme de « blends » à 60 euros le kilo et de « grand crus » de 15 à 37 euros les 150 grammes dans ses 8 cafés parisiens.
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