Un data center n’est-il pas au fond une immense bibliothèque ? Trente ans après ses débuts dans la vente en ligne de livres, Amazon est devenu un empire du commerce qui finance sa croissance grâce au cloud.

Alors, lorsque Jeff Bezos décide de prendre du recul, début 2021, il choisit pour lui succéder au volant l’homme qui a construit la branche informatique d’Amazon, cette poule aux oeufs d’or qui représente moins d’un sixième des ventes mais les deux tiers du résultat opérationnel.
Fidèle lieutenant du fondateur, « Amazonien » de la première heure, Andy Jassy pilote le paquebot depuis pile trois ans. L’heure de dresser un premier bilan de son oeuvre.

Euphorie de courte durée
En juillet 2021, le dirigeant de 56 ans prend les commandes d’un groupe abritant 1,6 million de salariés à un moment où les ventes d’Amazon décollent à la faveur de la pandémie. Mais au siège de Seattle, l’euphorie est de courte durée. Une année plus tard, les ventes continuent à grimper mais le résultat d’exploitation chute de moitié.
Pour ses cent jours à son poste, le nouveau patron doit s’atteler à une tâche désagréable, celle de réduire les coûts. En janvier 2023, l’entreprise annonce qu’elle va supprimer 18.000 postes . Dans un premier temps, AWS semble épargné. Mais la division cloud est finalement touchée par une nouvelle vague de licenciements , en mars, qui affecte 9.000 personnes.

Réorganisation
Andy Jassy ne se contente pas de réduire la voilure. Pendant la pandémie, l’entreprise a grandi à toute allure, ce qui complique la distribution des colis, aux Etats-Unis notamment. Le groupe décide de simplifier son réseau logistique, en divisant le pays en huit régions distinctes, capables de fonctionner de façon autonome.
Cette réorganisation permet au passage de livrer toujours plus rapidement ses clients. « En 2023, nous avons augmenté le nombre d’objets livrés le même jour ou le lendemain de près de 70 % en un an », se félicite Andy Jassy dans sa lettre annuelle aux investisseurs. Ce qui peut les aider à accepter la hausse du prix d’un abonnement Prime, à 139 dollars par an.

Cloud et IA
La réorganisation et la baisse des coûts semblent porter leurs fruits. L’an dernier, les ventes d’Amazon s’établissent à 575 milliards, tandis que ses profits dépassent les 30 milliards de dollars. Ce qui permet de rassurer les marchés financiers – en un an, l’action Amazon a grimpé de 45 % – et de préparer l’avenir.
« Parfois, les gens nous demandent : ‘quel est votre prochain pilier ? Vous avez la plateforme de marché, [les abonnements] Prime, AWS, quelle est la suite ?’», écrit le PDG dans sa lettre aux investisseurs. « L’IA générative est sans doute la plus grande transformation technologique depuis le cloud (qui est lui-même encore à ses débuts) et peut-être même depuis Internet », répond-il.
Amazon est parfois perçu comme moins en avance dans ce domaine que d’autres géants de la tech, dont Microsoft, grâce à son alliance avec OpenAI, Google et Meta. Par ailleurs, d’autres paris visant à diversifier ses revenus – dans la santé, les supermarchés, les films ou le hardware – n’ont pas eu le succès escompté ces dernières années.

Supermarchés et enceintes connectées
La croissance des supermarchés haut de gamme Whole Foods, par exemple, a déçu les investisseurs. Sa gamme d’enceintes connectées Echo, qui utilise l’assistant vocal Alexa, a certes séduit un grand public, mais son unité hardware, qui a aussi lancé des robots pour la maison ou des bagues connectées, a perdu plusieurs milliards de dollars, selon le « Wall Street Journal ».
Les efforts de ses patrons successifs pour vendre des publicités en ligne rapportent en revanche de plus en plus gros. L’année dernière, la publicité a rapporté 47 milliards de dollars à Amazon. Le géant de Seattle se place désormais dans le trio de tête pour la publicité en ligne aux Etats-Unis, derrière Alphabet et Meta, selon eMarketer.

Trois volets
Les marchés suivent de près les investissements d’Amazon dans l’IA, perçue comme un élément clé du succès du cloud ces prochaines années.
Andy Jassy mise sur une stratégie en trois volets. L’entreprise conçoit deux types de puces – Trainium et Inferentia – utilisées pour entraîner et pour faire tourner les modèles de langages. Ses principaux clients sur ce créneau sont des start-up et des entreprises de la tech, dont Anthropic, Airbnb et Hugging Face.
Le groupe de Seattle propose aussi à ses clients de raffiner un modèle existant, en le personnalisant avec leurs données et en construisant des applications sur sa plateforme, avec son service Bedrock. Enfin, l’entreprise se sert de ces mêmes modèles pour construire ses propres applications, dont Rufus, un assistant dopé à l’IA qui aide les consommateurs à faire leurs courses.
Amazon a investi 4 milliards de dollars dans Anthropic, une start-up fondée par des anciens d’OpenAI, qui se pose en alternative éthique à l’entreprise dirigée par Sam Altman. Le groupe de Seattle a récemment annoncé qu’Andrew Ng, un scientifique reconnu pour ses recherches en machine learning, ancien de Google et Baidu ainsi que professeur à Stanford, rejoindrait son conseil d’administration.

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