Les risques systémiques liés à la finance de l’ombre sont une nouvelle fois pointés du doigt. Dans un rapport publié lundi, le Conseil de stabilité financière (CSF) alerte sur la difficulté de superviser ce secteur et prévient qu’il faudra plus de temps que prévu pour évaluer sa vulnérabilité aux chocs futurs. Le « shadow banking », comme le nomment les anglo-saxons, comprend en réalité toutes les activités financières non bancaires : gestion d’actifs (en particulier hedge funds et fonds monétaires), capital investissement, assurance… Il regroupe donc des entités très diverses, régulées par de multiples autorités. Ce qui complique leur surveillance.

Dans une lettre publiée le même jour, le président du CSF Klaas Knot – qui est aussi gouverneur de la banque centrale néerlandaise – appelle les principaux ministres des finances du G20 et les gouverneurs des banques centrales à poursuivre leur action pour mieux encadrer la finance de l’ombre. Les autorités s’alarment depuis déjà plusieurs années de son poids croissant. Ses acteurs participent au financement de l’économie au même titre que les banques, tout en étant exempts des lourdes contraintes appliquées à la finance traditionnelle.

Importance systémique
Les exigences strictes en matière de fonds propres imposées aux banques à la suite de la crise de 2008 ont d’ailleurs participé à l’essor des fonds monétaires et autres prêteurs non bancaires. Selon le CSF, en 2022, la finance de l’ombre pesait 217.900 milliards de dollars, soit 47,2 % du total des actifs financiers mondiaux. Elle est aujourd’hui une source cruciale de financement pour de vastes pans de l’économie mondiale, et certains acteurs ont acquis une importance systémique.
Or plusieurs incidents, à commencer par la crise des subprimes, ont montré que la finance non bancaire pouvait créer ou amplifier une crise systémique. « Alors que le souvenir des turbulences passées s’estompe et que l’optimisme quant à un atterrissage en douceur de l’économie mondiale s’accroît, il est important de souligner que les risques extrêmes demeurent », formule Klaas Knot. De fait, les récentes tensions géopolitiques et l’augmentation des niveaux d’endettement ravivent le spectre d’une crise financière.
Selon Klaas Knot, si certains progrès ont été faits en matière de régulation, « le rythme de mise en oeuvre des politiques a été inéal d’une juridiction à l’autre et il se peut que nous soyons déjà en train de perdre notre élan ». Le CSF pointe notamment des lacunes en matière de collecte de données sur le secteur, liées à un manque de transparence et de partage d’informations. « Dans certains pays, il existe des obstacles juridiques au partage des données au sein d’un même marché », observe le CSF.

Si les autorités pointent les risques inhérents au secteur dans son ensemble, les hedge funds, ces fonds souvent décrits comme spéculatifs, sont sans doute ceux qui ont donné le plus de sueurs froides aux régulateurs. Ces dernières années, ils ont été impliqués dans une série d’accidents aux répercussions mondiales. Parmi eux, le scandale Archegos, dont le fondateur Bill Hwang a récemment été condamné pour fraude et manipulation de marché. L’implosion de ce family office avait causé des pertes de plus de 10 milliards de dollars pour les banques qui y étaient exposées.

En avril dernier, le Fonds monétaire international (FMI) alertait sur l’essor rapide du marché du crédit privé, un segment « opaque et très interconnecté du système financier », qui pèse pas moins de 2.000 milliards de dollars. Si à ce jour, les risques immédiats pour la stabilité financière liés au crédit privé semblent limités, « les vulnérabilités existantes pourraient devenir un risque systémique pour le système financier dans son ensemble », estime le FMI.

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