Les Européens seront privés des avancées dans l’intelligence artificielle de Meta. En tout cas, il n’y aura pas de nouveau modèle d’IA générative du groupe sur le Vieux Continent.

La maison mère de Facebook et Instagram a reporté sine die le lancement de la nouvelle version de Llama 3 , dite multimodale, c’est-à-dire un modèle de langage permettant d’utiliser et de créer du texte, mais aussi des images ou des cartes. Ce modèle n’est pas encore sorti ailleurs, mais il doit arriver « dans les prochains mois », en dehors des frontières de l’Union européenne, comme le précise l’AFP.
Selon le média « Axios » , qui a révélé l’information, Meta invoque un manque de clarté des autorités de régulation, parlant de « la nature imprévisible de l’environnement réglementaire européen ». L’annonce peut-être aussi interprétée comme une forme de coup de pression à l’égard des régulateurs.

Smartphones, lunettes, etc.
La nouvelle IA du groupe californien doit être incorporée dans une large gamme de produits comme les smartphones ou les lunettes connectées . De fait, selon Meta, les entreprises européennes ne pourront pas utiliser ses modèles multimodaux, même ceux en accès ouvert. Même « punition » pour les entreprises hors de l’UE qui voudraient vendre leurs produits en Europe.
Vraisemblablement, ce n’est pas l’IA Act – la réglementation sur l’IA qui a été votée en Europe » – qui pose problème à Meta mais plutôt le RGPD (règlement général sur la protection des données) . Précisément, pour entraîner ses modèles, comme toute société d’IA, Meta a besoin d’énormément de données.
Or, le groupe a indiqué il y a quelques semaines qu’il prévoyait d’utiliser les posts publics des utilisateurs de Facebook et Instagram pour cet entraînement. Dans ce but, il assure avoir envoyé plus de deux milliards de notifications à ses utilisateurs dans l’UE, pour leur dire qu’ils pouvaient refuser (c’est-à-dire exercer leur droit d’opposition ou « opt-out »). Meta a aussi prévenu les régulateurs européens.

« Un coup de force »
Mais, en juin, Meta aurait été contraint de suspendre l’entraînement de ses modèles avec des données européennes et aurait reçu des questions de la part des régulateurs européens. Toujours selon « Axios », un représentant de Meta aurait déclaré que les régulateurs européens prenaient beaucoup plus de temps pour interpréter la loi que leurs homologues d’autres régions. Par exemple, le régulateur britannique lui a fait parvenir des directives plus claires.
Selon un avocat, il est possible que les incertitudes sur les positions différentes des équivalents des CNIL dans les différents Etats membres posent problème à Meta pour utiliser les données.
« J’y vois plus un coup de force de Meta pour demander davantage de souplesse, souligne Alan Walter, avocat associé chez Walter Billet. Je ne vois pas quelles sont les incertitudes invoquées par Meta : on connaît bien les conditions d’application du RGPD : il faut informer les personnes et déterminer la base légale prévue – notamment, demander le consentement des utilisateurs ou faire un contrat avec les utilisateurs – et expliciter aux régulateurs la manière dont on va protéger les données ».

Cette annonce illustre, en tout cas, les tensions qui existent entre les géants de la technologie américains et les autorités européennes, considérées comme plus strictes. Et ce n’est pas la première fois. Fin juin, Apple avait renvoyé à plus tard le lancement de son système d’IA générative en Europe, invoquant des « incertitudes réglementaires » sur le règlement européen sur les marchés numériques (DMA). Contacté par « Les Echos », Meta ne donne pas plus d’informations.

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