Des chercheurs de Google et de l’université de Chicago ont tenté de lever le voile sur les mystères de l’origine de la vie sur Terre. Lors de simulations numériques visant à reproduire les conditions d’émergence du vivant, ils sont parvenus à créer des formes de vie numériques auto-reproductibles. Explications.

C’est l’un des grands mystères qui planent sur l’origine de la vie. Comment sommes-nous passés de l’inerte au vivant ? Les scientifiques, à commencer par le naturaliste britannique Charles Darwin et le biochimiste russe Alexandre Oparine, s’échevèlent depuis des siècles pour comprendre comment des molécules simples se sont assemblées – aux commencements de la Terre – de sorte à former des molécules plus complexes et engendrer la vie.
Afin de répondre à cette question encore en suspens, des chercheurs de Google et de l’université de Chicago ont simulé l’émergence de la vie biologique sur ordinateur. Dans une étude rendue publique le 27 juin dernier, mais encore en attente d’évaluation par des pairs, les scientifiques racontent avoir utilisé un langage de programmation dénommé « Brainfuck » qui n’autorise que deux opérations mathématiques – ajouter un ou soustraire un – et l’avoir modifié pour permettre à des données aléatoires d’interagir entre elles. « Livrées à elles-mêmes », ces données ont pu « appliquer (des lignes, ndlr) de code et les réécrire, ainsi que celles de leurs voisines, sur la base de leurs propres instructions », précise l’étude.
Contre toute attente, et malgré des conditions limitées d’évolution des données, la simulation a finalement conduit à l’émergence de programmes autoréplicateurs. Dans la foulée, de nouveaux types de réplicateurs sont apparus, se sont disputés l’espace et ont parfois submergé et remplacé la population de données précédente, à la manière d’une sélection naturelle 2.0.

« Soupe numérique »
Inspirés par le concept de « soupe primitive », les chercheurs de Google et de l’université de Chicago ont créé une « soupe numérique » composée de dizaines de milliers de bribes de code informatique mélangées. « Chaque programme se compose de 64 caractères d’un octet qui sont initialisés de manière aléatoire, précise le rapport. Dans ces simulations, aucun nouveau programme n’est généré ou supprimé – le changement ne se produit que par l’auto-modification ou des mutations aléatoires ». Après avoir laissé ces données aléatoires évoluer sur plusieurs millions de générations, la plupart se sont combinées pour générer un code plus complexe et, dans 40 % des cas, des autoréplicateurs ont émergé.
Si cette expérience ne nous apprend rien de concret sur l’origine de la vie biologique, elle révèle tout de même qu’il existe des mécanismes inhérents permettant de créer de la complexité à partir d’un élément inerte. « Parvenir à faire évoluer des programmes autoréplicatifs à partir de points de départ aléatoires est une grande réussite », se réjouit l’informaticienne britannique Susan Stepney, qui n’a pas participé à l’étude, dans les colonnes du magazine New Scientist.

Une réussite à nuancer
Mais quel est l’apport réel de cette expérimentation dans la compréhension des origines de la vie ? Et, surtout, que compte en faire Google ? Ces recherches ont-elles un rapport avec son obsession pour l’IA ? Contactés, les auteurs de l’étude n’ont pas répondu à nos questions.

Mais quelles que soient leurs ambitions, les chercheurs seront inévitablement limités par la puissance de calcul de leurs machines à court terme. « Si l’on veut un comportement plus intéressant, si l’on veut que les [données] se mangent les unes les autres, qu’il y ait une guerre entre les différentes espèces (etc), cela nécessitera tellement de calculs que nous ne pourrons pas le faire dans la pratique », a déclaré au New Scientist Ben Laurie, ingénieur logiciel chez Google. L’une des simulations menée par le chercheur a nécessité, à elle seule, le traitement d’environ 3 milliards d’instructions par seconde. Rien que ça.

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