En ligne de mire, Leclerc. Le réseau breton caracole en tête des ventes en grandes surfaces, et l’inflation alimentaire, qui a poussé des millions de Français à rechercher des prix plus bas pour remplir leurs chariots, a accentué son avance.
Renforcé au début du mois par Cora et Match, Carrefour atteint aujourd’hui les 22 % de parts de marché selon les derniers chiffres de l’institut Kantar. A quelques longueurs seulement de Leclerc et ses 24 %. Intermarché suit un cran plus loin, à 17 %, poursuivi par le réseau U à 12 %. Et Auchan qui a fait l’acquisition d’une partie du parc d’hypermarchés de Casino peine à l’arrière, avec 8,5 %. Casino, lui, a presque disparu du paysage avec 3 % du marché.
Derrière ce lièvre bondissant nommé Leclerc, Carrefour et Auchan ajustent leur stratégie pour combler leur retard alors que la valse des étiquettes ralentit depuis plusieurs mois maintenant avec le tassement de l’inflation.
Rude marché français
Trois ans après l’échec de leur fusion , les deux poids lourds intégrés de la grande distribution française ont vu leurs ventes baisser en France au premier semestre. De 2 % chez Carrefour et de 4,7 % chez Auchan. Si le premier voit sa rentabilité tricolore gagner 6 % grâce à des réductions de coûts, le second encaisse une forte chute de sa profitabilité opérationnelle, qui a reculé de 200 millions d’euros par rapport à l’an dernier.
L’année « 2024 était prévue difficile, elle va l’être, constate Antoine Grolin, le Mulliez spécialiste de l’immobilier désormais à la direction d’Elo, le holding qui regroupe Auchan Retail et sa branche foncière. Avec humilité, on voit clair sur les enjeux, on connaît nos forces, on a ce projet radical et courageux à mettre en oeuvre. Cela donne confiance aux actionnaires et à ma famille, d’où cette recapitalisation de 400 millions d’euros pour racheter des magasins Casino. La famille Mulliez reste durablement ancrée dans le projet Auchan », affirme-t-il.
Avouant être moins bien positionné en termes de prix et de formats que ses rivaux – le groupe a d’ailleurs déprécié pour 370 millions d’actifs en France -, Auchan est dos au mur. Ses ventes tricolores refluent depuis le début des années 2010…
Pour dompter la tendance, la famille nordiste a recruté Guillaume Darasse . Arrivé depuis trois mois à la présidence d’Auchan France, ce routier du secteur passé par Casino, Système U, InVivo et Teract tâche d’exécuter un « plan simple, clair et compréhensible en interne et en externe », dont les premiers résultats financiers sont attendus en 2025, après un point bas cette année.
Le plan des Mulliez
« Nous avons des sites en frontal avec Leclerc, constate le dirigeant, qui veut assumer le défi en répondant « à la première attente des clients, le prix ». Son idée est de rentabiliser davantage le mètre carré de surface, de profiter de l’alliance avec Intermarché dans les achats et de renforcer l’efficacité opérationnelle pour « réinvestir au fur et à mesure dans les prix. On a commencé à le faire, les indices s’améliorent déjà », dit-il, ajoutant que la priorité absolue était de « relancer le chiffre d’affaires ».
Concrètement, Auchan digère l’intégration de 94 magasins Casino dans des zones où l’enseigne manquait de présence – le Sud-Est, Lyon, Paris, Marseille, Bordeaux… Quelque 400 millions doivent être investis dans leur rénovation. Ces sites ont été rouverts avec une baisse des prix de 15 %, ce qui a augmenté les ventes de 22 % par rapport à l’an dernier.
Guillaume Darasse fonde de grands espoirs sur l’accord avec Intermarché et Casino dans les achats – une « alliance qui n’est pas classique, sur une durée de dix ans ». Intermarché prendra en charge les négociations pour l’approvisionnement en denrées alimentaires, Auchan celles pour le non alimentaire. Les Mousquetaires apporteront également leurs marques distributeurs, les « MDD » étant devenues l’un éléments différenciants et cruciaux pour les chalands . Le duo est en attente du feu vers des autorités de concurrence pour appuyer sur le bouton.
Côté magasin, les circulations dans les rayons seront mises à jour, et les surfaces amputées. Un vaste mouvement de réduction est lancé. Quelque 500.000 mètres carrés, soit un quart de la surface du tiers de ses hypermarchés, doivent s’envoler. « 70 % de nos magasins feront bientôt moins de 10.000 mètres carrés », précise le dirigeant, qui travaille sur les arbitrages à effectuer dans l’offre non alimentaire.
Cap sur la franchise
Pour réduire les coûts dans les sièges et les structures , Carrefour et Auchan accélèrent sur le passage de magasins en franchise, suivant le modèle gagnant de Leclerc et Intermarché. Quitte à faire enrager les organisations syndicales.
« Les dépenses des clients restent basses, ils continuent de privilégier les promotions. Les mauvaises conditions météo ont impacté le trafic dans les magasins et les soldes, pose Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, qui, lui aussi, doit combattre dans ces conditions pour rattraper Leclerc.
« La politique de baisse des prix déployée nous a ramenés là où nous étions avant la vague d’inflation. On investit dans les prix, et l’intégration de Cora nous apportera du volume d’affaires et des synergies », assure le dirigeant.
Le renfort de Cora
Il y a quelques jours, 22.000 salariés sont tombés dans les bras de Carrefour avec l’intégration des 60 hypermarchés Cora et des 115 supermarchés Match – la plus grosse opération de croissance externe depuis la fusion avec Promodès en 1999. Ensemble, ils ajoutent au groupe une dot de 2,4 % de parts de marché, équivalent à la cession des 400 supermarchés et hypermarchés Casino à Intermarché et Auchan.
De quoi faire repartir les ventes dans la bonne direction, espère le groupe, qui a effectué ces derniers mois un effort appuyé sur les prix de 2.000 produits ciblés – la part de MDD dans les ventes est montée à 37 %. Le développement de la franchise et de la location-gérance a participé à la hausse de 6 % du bénéfice opérationnel courant, qui atteint 286 millions en six mois dans l’Hexagone.
Pour financer l’effort sur les prix en France, Carrefour et Auchan peuvent s’appuyer sur les activités à l’étranger, au contraire de Leclerc. Au Brésil, Carrefour profite d’une bonne dynamique, mais Auchan voit sa performance reculer en Europe. L’international est une arme à double tranchant.
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