Les géants de la tech ne sont plus protégés. Un tribunal fédéral de Washington vient de frapper fort en condamnant Alphabet, la maison mère de Google, pour pratiques anticoncurrentielles concernant son moteur de recherche. « Google est un monopole, et a agi en monopole », a assené le juge Amit Mehta, après un procès-fleuve ouvert en septembre 2023. A la suite de cette décision, la firme de Mountain View a indiqué vouloir faire appel, ce qui va faire repousser de plusieurs mois ou plusieurs années la clôture de l’affaire. Le tribunal n’a pas encore émis d’injonctions contre Google, mais plusieurs scénarios sont possibles.
1. Proposer plusieurs moteurs de recherche dans les navigateurs
Le moteur de recherche de Google est souvent proposé par défaut par les navigateurs Web, que ce soit sur Android ou Apple, sur ordinateur ou mobile. Pour avoir une place ultraprivilégiée sur les smartphones Android, Google « regroupe » ses logiciels propriétaires (Chrome, Google Maps, Google Pay et YouTube) avec son moteur de recherche. Les fabricants de téléphones qui souhaitent donc acquérir une licence pour un logiciel doivent aussi embarquer la brique recherche. Côté Apple, le schéma est différent puisque Google rémunère la marque à la pomme pour être le moteur par défaut.
Permettre aux utilisateurs de sélectionner le moteur de recherche qu’ils souhaitent répondrait à cette problématique. En 2018, la Commission européenne a d’ailleurs ordonné à Google de proposer plusieurs choix de moteur de recherche pour les appareils Android, accompagné d’une amende de… 4,34 milliards d’euros (qui avait ensuite été abaissée à 4,1 milliards ). « Bien qu’il soit facile de changer de fournisseur, la réticence des consommateurs à s’éloigner de Google constitue un obstacle de taille », estime Tessie LiJu Su, économiste, interrogé par Bloomberg. Selon une étude de CEPR (The Centre for Economic Policy Research), les pays qui ont imposé plusieurs choix d’écran ont permis de réduire la part de marché de Google (-1 point dans les pays européens, et -10 points pour la Russie et la Turquie) « Les différences proviennent des nuances de l’intervention, y compris la taille du groupe d’utilisateurs ciblés, les caractéristiques du marché local et la conception des mesures correctives », indiquent les auteurs du rapport.
2. Mieux encadrer la transaction avec Apple
Google paierait environ 20 milliards de dollars par an à Apple pour faire de Google le moteur de recherche par défaut de ses ordinateurs Mac et son iPhone, y compris sur le navigateur web Safari d’Apple. Un montant que ne pourrait pas débourser Bing (Microsoft), son plus « proche » concurrent, dont les recettes publicitaires mondiales se sont élevées à « seulement » 6,92 milliards de dollars en 2023.
Le juge pourrait donc limiter le montant ou la manière dont Google paie. « Une mesure corrective empêchant Google d’effectuer des paiements à Apple pour être le moteur de recherche par défaut sur n’importe quel point d’accès à la recherche sur les appareils Apple serait simple à mettre en oeuvre et efficace », estiment les auteurs de l’étude de CEPR.
3. S’associer à d’autres moteurs de recherche
Autre mesure possible : obliger Google à fournir des résultats de recherche « syndiqués ». La plupart des autres moteurs comme DuckDuckGo, Yahoo ou encore Qwant syndiquent les résultats de recherche de Bing. En somme, ils ont signé un contrat avec Microsoft pour acheter ses liens organiques. En échange, ils acceptent d’afficher des annonces de recherche à côté des liens organiques. Les revenus générés par les annonces de recherche sont ensuite partagés entre les deux parties.
A noter que le moteur de recherche « vert », Ecosia, a signé un contrat avec Google en 2023 dans ce domaine après des années d’engagement avec Microsoft. Pour Wired, ce changement est en grande partie dû à l’essor de l’intelligence artificielle générative qui est en train de bouleverser le secteur. « Pour un petit fournisseur comme Ecosia, les bouleversements récents dans le domaine de la recherche pourraient être l’occasion d’atteindre de nouveaux marchés et d’offrir de nouveaux services aux utilisateurs et aux annonceurs. Mais ce paysage changeant comporte aussi de nombreux défis », estime le média américain.
4. Une scission d’Alphabet
C’est le scénario le plus extrême et le moins probable tant il serait difficile à mettre en place. Les auteurs du rapport CEPR évoquent la vente forcée de Chrome. Aux Etats-Unis, il s’agit du premier navigateur sur le segment des ordinateurs et il détient une part de marché importante sur les smartphones. « Toute cession de Chrome serait compliquée parce qu’il faudrait décider quelles fonctions devraient être incluses dans un Google Chrome autonome », alertent les auteurs du rapport. Le navigateur Web comprend plusieurs autres fonctionnalités comme un gestionnaire de mots de passe, l’intégration avec d’autres produits et services Google tels que Gmail et Google Drive…
Une scission d’Android pourrait être envisagée mais « serait dangereuse et causerait probablement plus de tort que de bien aux consommateurs », estime Tessie LiJu Su. « Google fournit de nombreux produits et services basés sur sa plateforme Android qui sont complémentaires les uns des autres. Cette approche, combinée aux effets de réseau, est extrêmement compliquée et une analyse complète et multimarchés dépasse le cadre de ce litige », ajoute-t-elle.
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