Le président d’Arqana Olivier Delloye, ex-directeur général de France Galop, a de quoi être satisfait : sur les 325 yearlings qu’il mettra aux enchères du 16 au 18 août à Deauville, la progéniture des meilleurs étalons du moment – Frankel, Dubawi, Siyouni, Zarak – sera présentée. C’est ce que l’on appelle « le Sire power », un critère clé du succès pour attirer les acteurs internationaux. « Ces chevaux de moins de deux ans ont été triés sur le volet durant quatre mois », explique le dirigeant. Des pépites scrutées par les enchérisseurs : allure, aplombs, locomotion, capacité à résister à ce « stress test »…
La société dont l’Aga Khan est majoritaire aux côtés d’ Artcurial Développement (Dassault) et de quelques éleveurs, est passée maître dans l’art de réaliser de bons castings : son montant adjugé année après année n’a cessé de progresser depuis sa création en 2006, pour atteindre 207 millions d’euros en 2023 contre 165 millions avant le Covid et plus de 3.000 chevaux cédés sur ses diverses vacations.
Bonne tenue du marché français
Certes le marché mondial des chevaux de course a plutôt résisté en 2023 à 3,2 milliards d’euros contre 3,4 milliards en 2022, soit un simple ajustement plus qu’une baisse comme celle constatée dans l’art. « Il s’agit d’un marché de production, généré par des professionnels qui font naître et élèvent des chevaux, donc il n’y a pas trop de variations d’une année sur l’autre », rappelle Olivier Delloye.
Il n’empêche, l’an dernier le chiffre réalisé sur le marché anglais a reculé de 11 %, sur l’Australie de 6 %, sur les Etats-Unis de 3 %. Seule la France a progressé de 2 % et l’Irlande de 6 % grâce à une vente exceptionnelle d’équidés de la famille Niarchos réalisée par Goffs, le concurrent irlandais d’ Arqana , pour 27 millions d’euros. Quant au Japon, c’est un eldorado à part (+9 %) du fait de l’engouement des Japonais pour le secteur, engendrant un niveau élevé de paris et de primes revenant à la filière.
Durant les trois jours de vente, mais aussi les jours qui précèdent dans les haras, les yearlings sont inspectés sous toutes les coutures. Un vrai stress test.Yearlings
La réussite d’Arqana tient aussi à sa capacité d’animer toute l’année les différents segments du marché permettant aux acheteurs de valoriser leurs chevaux. En mai, sa vente Breeze Up a enregistré un nouveau record : c’est une vacation consacrée aux jeunes de deux ans n’ayant encore jamais couru en compétition, achetés « yearlings » l’année précédente, puis préparés, entraînés, pour être revendus « clés en main ». Or si ces équidés montrent des qualités à l’entraînement, on se les arrache, et ils font ensuite carrière en France, aux Etats-Unis, en Australie, à Hong Kong, dans les pays du Golfe (Qatar, Bahreïn, Dubaï, Arabie saoudite) qui organisent des courses l’hiver.
Usine à champions
« C’est le cas de Shareholder, de l’écurie Wathnan Al Shaqab Racing de l’émir du Qatar, qui a gagné l’une des courses en Angleterre du Royal Ascot, un graal, et qui avait été acquis à nos ventes de yearlings. Ces performances constituent une vitrine pour Arqana », pointe Olivier Delloye, tout comme celles d’Ace Impact vendu en 2021 à Deauville par le Domaine de l’Etang pour 75.000 euros ou de Look de Vega cédé en 2022 pour 160.000 euros par ses copropriétaires Joëlle Mestrallet (épouse de Gérard, ex-patron d’Engie, à la tête du Haras de la Morsanglière) et Lucien Urano (un investisseur qui a recréé le Haras des Monceaux, une usine à cracks, qu’il a partiellement revendue depuis). Ces deux champions devenus étalons, ont fait l’objet d’une transaction l’un et l’autre en cours d’année pour 10 millions d’euros chacun.
Arqana scrute de près chacun des équidés proposés pour les affecter sur sa vacation la plus pertinente en fonction de leur profil : la vente de yearlings d’août qui a généré 56 millions d’euros d’enchères en 2023, est la plus sélective, celle d’octobre à 26 millions, est plus hétéroclite. La session de décembre qui regroupe des foals (poulains), des poulinières (juments destinées à la reproduction), et des chevaux sortant de l’entraînement, s’est aussi beaucoup développée depuis 2006 grâce aux frères Wertheimer (actionnaires de Chanel) et à l’Aga Khan.
Ils ont décidé de jouer la carte française au détriment de la vacation concurrente de l’anglais Tattersalls à Newmarket. De 6 millions alors, cette vente a atteint 49 millions en 2023 pour Arqana qui a même obtenu un record historique en décembre dernier avec Place du Carrousel. Cette gagnante du Prix de l’Opéra en octobre 2022, a été achetée 4 millions d’euros par Yuesheng Zhang, un ancien chauffeur de taxi chinois devenu milliardaire, à la tête de 700 poulinières à travers le monde, principalement basées en Australie.
Une jument à 4 millions
Comment expliquer un tel prix ? « Il y a peu de gagnantes de courses de Groupe 1 [les plus prestigieuses, NDLR] sur le marché car leurs propriétaires les gardent. Celle-ci va continuer à courir puis sera poulinière », explique Olivier Delloye.
Les mâles invaincus devenus étalons comme Ace Impact ont pour leur part des prix de saillie la première année de 40.000 euros. A mesure que la descendance de ces étalons décroche des victoires, le prix grimpe. C’est le cas de Zarak, né en 2013 de Dubawi et de Zarkava, grande championne : en onze ans, il a largement prouvé ses capacités de géniteur.
Résultat : « Nous avons vendu deux parts correspondant chacune à 1,50e du cheval, 740.000 euros pièce, ce qui le valorise à 37 millions d’euros ! Car cette part garantit à l’investisseur le droit à une ou plusieurs saillies par an », précise le patron d’Arqana, se félicitant de la qualité des éleveurs, des entraîneurs et du système de course dans l’Hexagone. « Nous sommes interdépendants et ensemble, nous donnons envie aux étrangers d’acheter, d’élever et d’exploiter les chevaux en France », pointe-t-il.
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