Quels sont les coûts économiques du changement climatique ? Une étude empirique parue cette semaine obtient des chiffres bien plus élevés que ceux qui ont jusqu’ici fait consensus parmi les économistes.

Les auteurs, Adrien Bilal de Harvard et Diego R. Känzig de Northwestern, développent une approche statistique pour estimer l’effet d’une hausse de la température moyenne mondiale sur le PIB mondial, du début du XXe siècle à nos jours. Pour obtenir une estimation causale, plutôt que de simples corrélations, les auteurs analysent des phénomènes climatiques comme El Niño – une perturbation de la circulation atmosphérique, en partie aléatoire, qui conduit à des températures caniculaires mondiales.

Les auteurs trouvent qu’une hausse de la température mondiale provoque une forte baisse du PIB. Le PIB mondial serait aujourd’hui 37 % plus élevé si la planète ne s’était pas réchauffée de 0,75 °C entre 1960 et 2019. En extrapolant, ils concluent qu’une hausse graduelle de la température moyenne mondiale de 2 °C entre 2024 et 2100 conduirait à une baisse du PIB mondial de 50 % en 2100, du fait des destructions de capital et de la baisse de la productivité.

Température moyenne mondiale
Ces coûts économiques sont immenses et correspondent à un « prix du carbone » de 975 euros par tonne de CO2 évitée. Les chiffres habituellement avancés par les économistes sont beaucoup plus faibles, de l’ordre de 160 euros par tonne de CO2. Les précédentes études se focalisaient sur le lien entre le réchauffement local et l’activité économique locale – c’est-à-dire une analyse au niveau national ou régional plutôt que mondial comme Bilal et Känzig.
Mais il se trouve que le niveau local n’est pas le bon niveau d’analyse, car les événements climatiques extrêmes (cyclones, ouragans, etc.), dont les effets économiques sont particulièrement forts, dépendent principalement de la température moyenne mondiale.
Ces nouveaux chiffres permettent de mieux anticiper les conséquences du changement climatique et des politiques de décarbonation sur l’activité économique et les finances publiques. L’Etat pourrait-il même s’enrichir en subventionnant unilatéralement la transition écologique, dans la mesure où atténuer le réchauffement permet de préserver l’activité économique future et donc d’accroître les recettes fiscales ?

Part élevée des émissions
A partir des chiffres de Bilal et Känzig, on déduit que la lutte contre le changement climatique peut largement être autofinancée pour les pays qui représentent une part élevée des émissions mondiales de CO2. Prenons la Chine , qui représente 29 % des émissions de CO2. On obtient que la Chine a un intérêt économique unilatéral à mettre en oeuvre tous les dispositifs de décarbonation dont le coût pour l’Etat est inférieur à environ 100 euros par tonne de CO2 évitée.
Le seuil est plus faible pour les pays qui représentent une part plus faible des émissions, car dans ce cas la réduction des émissions bénéficie surtout à d’autres pays. Pour les Etats-Unis, qui représentent 14 % des émissions mondiales, le seuil est de 50 euros, contre 30 euros pour l’Union européenne (8 % des émissions).
Il existe plusieurs dispositifs de décarbonation dont le coût budgétaire est inférieur à 30 euros, par exemple s’agissant de la décarbonation de l’industrie, comment le montrent les estimations du comité France Relance. On peut donc conclure que la lutte contre le changement climatique peut s’autofinancer dans plusieurs cas. Il est particulièrement important d’en prendre conscience dans les pays avec des finances publiques contraintes ou dont l’opinion publique ne conçoit pas la transition écologique comme prioritaire.

Xavie

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