La course à la voiture autonome s’accélère. Uber vient tout juste d’annoncer qu’il proposera l’an prochain à ses clients des courses réalisées par les robotaxis de Cruise, filiale de GM. Cette option, proposée sur la plateforme de réservation de l’opérateur, ne sera disponible dans un premier temps qu’aux Etats-Unis.

Cette perspective suffira-t-elle pour que Cruise recolle aux roues de Waymo, qui a pris une nette avance dans cette nouvelle génération de véhicule ? La filiale d’Alphabet – maison mère de Google – a même réussi à larguer sur place Tesla, dont le logiciel d’aide à la conduite n’est pas encore au niveau d’autres entreprises du secteur. L’entreprise texane avait prévu de dévoiler de nouvelles voitures début août, avant de reporter cet événement à octobre.

Dans une poignée de villes des Etats-Unis, dont Phoenix, San Francisco et Los Angeles, les véhicules autonomes font désormais partie du paysage. Cela fait maintenant plusieurs années que les résidents de San Francisco se sont habitués à les voir circuler. Pendant près de deux ans, les voitures blanches et noires de Waymo, coiffées d’un lidar sphérique, ainsi que les véhicules blancs et orange de Cruise ont parcouru les rues de la ville.

Grave accident
Mais un grave accident a stoppé net la progression de ce dernier. En octobre, une piétonne a été renversée par une voiture et projetée sous les roues d’un robotaxi. Au lieu de s’arrêter immédiatement, celui-ci l’a traînée sur plusieurs mètres afin de se ranger le long du trottoir. Les dirigeants de la filiale de GM ont ensuite cherché à dissimuler l’ampleur du problème aux autorités californiennes.
Interdit à la circulation en Californie, Cruise cherche désormais à se relancer à Phoenix, en Arizona, ainsi qu’au Texas, à Houston notamment. Un nouveau PDG a été nommé en juin, quelques mois après la démission de Kyle Vogt, son fondateur. L’accord avec Uber apparaît dans ce contexte comme une belle bouée de secours.
Quant à Zoox – une filiale d’Amazon -, il n’a pas encore commencé à déployer ses robotaxis à grande échelle. L’entreprise mise sur un véhicule original, qui ressemble davantage à un minibus qu’à une voiture individuelle, avec deux banquettes qui se font face. Elle envisage de se lancer commercialement début 2025 à Las Vegas.

Culture de la sécurité
Au contraire de Cruise, Waymo est pour l’instant parvenu à éviter tout accident grave. La start-up d’Alphabet bénéficie d’une source de financement sûre, et d’une meilleure culture de la sécurité que son principal concurrent. En juillet, la directrice financière du géant californien s’est engagée à investir 5 milliards de dollars dans sa filiale pendant les prochaines années.
Ses voitures autonomes sont désormais utilisées par 100.000 personnes par semaine, dans trois centres urbains (San Francisco, mais aussi Los Angeles et Phoenix). « Waymo se développe dans la continuité d’une pente régulière et bien mesurée », explique Marc Amblard, directeur d’Orsay Consulting, dans la Silicon Valley.
« Je suis convaincu que l’entreprise conserve une nette avance sur les acteurs non-chinois (c’est plus difficile à dire pour ces derniers), ajoute l’expert. Elle est très clairement devant Tesla. Son avantage provient principalement de l’assurance avec laquelle ses véhicules conduisent dans la circulation, avec très peu d’accidents. »

Infractions
Lors d’un voyage récent à bord d’une voiture Waymo, cette dernière ne commet qu’une erreur de conduite : dans une intersection en T, le robotaxi coupe la route à un bus qui arrivait de la droite, lui passant sous le nez pour tourner à gauche. Le reste du temps, la conduite est impeccable, assurée et plus apaisée qu’avec de nombreux conducteurs humains. Le brouillard et la nuit qui tombe ne perturbent pas la voiture.
En cas d’infraction, la police ne sait pas toujours comment gérer ces véhicules sans conducteur. A Phoenix, en juin , une voiture Waymo s’est fait arrêter par un policier après avoir pris une voie dans le sens inverse de la circulation. Elle était apparemment perturbée par des panneaux indiquant une zone en construction.
Après une discussion avec un opérateur de Waymo, qui l’a assuré que le problème ne se reproduirait plus, le policier l’a laissée repartir sans la verbaliser. En théorie, ce serait pourtant l’entreprise qui serait responsable des erreurs commises par les robotaxis. A San Francisco, des voitures de Cruise et de Waymo ont notamment été accusées de perturber l’intervention des pompiers.

Tesla en retard
Depuis plusieurs années, les clients de Tesla peuvent acheter son logiciel d’aide à la conduite, baptisé Full Self Driving, même s’il ne permet pas encore une conduite complètement autonome. En avril, Elon Musk a longuement développé sa vision d’une voiture entièrement automatique, que les clients de Tesla pourraient mettre à disposition de leur famille, de leurs amis ou même du public, contre rémunération.
Le milliardaire s’est engagé sur X à dévoiler les premiers modèles en août, avant de reporter l’événement à octobre. Pour l’instant, un problème de taille demeure : le logiciel de Tesla n’est pas encore au niveau de celui de Waymo ou d’autres.
Marc Amblard a pu tester la dernière version du logiciel, baptisée v12.3. Malgré des progrès depuis la dernière version, celle-ci n’est pas encore prête à remplacer les conducteurs humains, conclut-il. « A plusieurs occasions, j’ai dû reprendre la main, y compris dans des situations où je ne me sentais clairement pas en sécurité », écrit-il dans un post de blog .

« Une fois, à San Francisco, la voiture cherchait sur 100 mètres à entrer dans une voie de droite où il y avait un cycliste. J’ai dû prendre le contrôle pour l’empêcher de se déporter et protéger le cycliste. Ce n’était pourtant pas vraiment nécessaire de changer de voie, raconte-t-il. Deux ou trois fois, le système a hésité en s’approchant d’un feu orange. La voiture a d’abord ralenti avant d’accélérer dans l’intersection, ce qui ne semblait pas sûr. »

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