Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Donald Trump, qui, il y a à peine cinq ans, tirait à boulets rouges sur le petit monde privilégié des cryptomonnaies, semble désormais en être devenu le plus fervent défenseur. Et pour cause. Les jeunes et riches investisseurs de la Silicon Valley, convaincus de l’avenir du bitcoin, sont séduits par l’ex-président américain au point de multiplier les dons pour sa campagne électorale.

Le candidat promet monts et merveilles, en cas de victoire, à la cryptosphère et aux 50 millions d’Américains qui investissent dans cet actif controversé. Au point de faire de ce sujet un nouveau cheval de bataille contre la Chine, l’ennemi juré des Etats-Unis en matière de business autant que de géopolitique.
L’ambition de l’ex-président ? L’« America first », comme en 2016, et la relocalisation de l’intégralité de la filière du minage – la série d’opérations sécurisant les transactions et générant des cryptos en récompense – aux Etats-Unis. Lors d’un déplacement à Nashville (Tennessee) fin juillet, Donald Trump affirmait devant un parterre réunissant la fine fleur de la communauté crypto que le bitcoin devait être « miné, frappé et fabriqué » sur le territoire américain.

Monopole chinois
A l’heure qu’il est, si la plupart des jetons de la reine des cryptos sont minés aux Etats-Unis . Mais ce sont des machines chinoises qui sont ultra-majoritairement utilisées dans les fermes de minage américaines.
Pour créer une unité de bitcoin, dont la valeur oscille aujourd’hui autour de 62.500 dollars (55.990 euros), des infrastructures informatiques spécifiques, familièrement appelées « rigs », tournent sans interruption pour effectuer des séries de calculs et résoudre des équations complexes sur la blockchain. Les spécialistes du minage, qui ont bâti d’immenses hangars remplis de ces ordinateurs très gourmands en énergie, se rémunèrent essentiellement grâce à la hausse des cours des cryptos et à la récompense associée à la création de ces nouvelles unités (le « hashprice », divisé par deux tous les quatre ans).
Les élans protectionnistes de Donald Trump pourraient-ils signer la fin de la domination de la Chine sur ces précieux ordinateurs ? C’est Bitmain, une entreprise chinoise fondée en 2013 à Pékin, qui détient aujourd’hui 90 % du marché des ordinateurs de minage, selon Bloomberg. Le fabricant est unanimement reconnu dans le domaine et ses machines ultra-performantes permettent de minimiser la consommation d’énergie, très importante mais aussi très coûteuse dans ce domaine, tout en maximisant la production de bitcoin. Ce qui permet des gains plus importants pour les mineurs.

Menaces de l’administration
Fort de son succès dans cette industrie, Bitmain a même envisagé une introduction en Bourse en 2018 à Hong Kong. L’entreprise était alors valorisée entre 40 et 50 milliards de dollars, soit l’IPO la plus attendue du secteur des cryptos à l’époque. Mais la correction du cours du bitcoin cette année-là, passé de 20.000 à environ 5.000 dollars, avait eu raison des ambitions du géant chinois.
L’entreprise ne possède aujourd’hui aucun site de production aux Etats-Unis. Ses usines ont été transférées de Chine vers l’Asie du Sud-Est, d’après Bloomberg, afin d’échapper aux droits de douane faramineux que les Etats-Unis imposent désormais aux produits chinois. Depuis 2018, l’administration américaine est en guerre contre les biens importés depuis la Chine, notamment les puces et autres produits technologiques, accusant régulièrement Pékin de les utiliser à des fins d’espionnage, sans avancer pour autant de preuves tangibles. C’est pour cette raison que l’industrie du minage a été massivement rapatriée sur les terres de l’Oncle Sam. La Chine a pour sa part interdit cette activité sur son sol ainsi que le trading de cryptos.
Le secteur du minage provoque d’ores et déjà la méfiance de l’administration Biden, qui a ordonné en mai à l’entreprise chinoise MineOne, installée en 2022 à côté d’une base militaire dans le Wyoming, de quitter le site sous 120 jours. Elle utilisait supposément des infrastructures de Bitmain. Le « New York Times » a, de son côté, identifié 12 Etats dans lesquels sont installées des usines de minage chinoises.

Selon Bloomberg, certains mineurs de cryptos américains ont déjà commencé à se tourner vers d’autres fournisseurs que Bitmain. Core Scientific, un des acteurs phares de la filière , a passé commande auprès de Block (anciennement Square), l’entreprise de Jack Dorsey, pour des machines de minage. Un autre acteur, australien cette fois, Auradine, a levé 80 millions de dollars en avril pour concurrencer le mastodonte chinois.

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