Dès qu’il est apparu, les gens se sont instantanément rapprochés de la scène et ont scandé son nom « Höcke, Höcke, Höcke ». Des applaudissements ont éclaté et des téléphones se sont levés pour le filmer. En face, séparés de la foule par des barrières, des contre-manifestants ont sifflé et hurlé encore plus fort pour dénoncer la présence du leader de la frange la plus radicale de l’extrême droite allemande.

Jeans et chemise blanche, cheveux grisonnants, Björn Höcke était de passage la semaine dernière à Bad Langensalza, une jolie petite ville de Thuringe, à trois heures trente de route au sud-ouest de Berlin, pour un meeting sous haute protection de la police.

Un ancrage dans l’environnement local
Dans cette région de l’Allemagne, l’extrême droite est de loin le premier parti, avec plus de 30 % d’intentions de vote. La foule présente, des ados, des familles avec enfants, des retraités, témoigne de l’ancrage du parti d’extrême droite AfD dans la société. Des fans vêtus de tee-shirts « Team Höcke » déambulent dans la foule. Les gens boivent des bières et mangent des saucisses. Accrochés au stand, des ballons bleus en forme d’Airbus rappellent le programme du parti en matière d’immigration.
Sur scène, le tribun sulfureux évoque ceux qui s’opposent à ses idées. Les contre-manifestants bien sûr, le magazine « Der Spiegel », qui l’a mis récemment en couverture aux côtés de Marine Le Pen et de Donald Trump, mais aussi une quarantaine de grandes entreprises familiales, qui ont lancé voilà huit jours la campagne « Fabriqué en Allemagne, fabriqué par la diversité » .

Parmi elles, le constructeur de tracteurs Claas, qui a racheté Renault Agriculture en 2003, le groupe d’électroménager Miele, le fabricant de tronçonneuses Stihl ou encore le laboratoire Boehringer. Et puis surtout, Vorwerk, l’inventeur du Thermomix. Car c’est Timm Mittelsten Scheid, un membre de la famille et du conseil d’administration de Vorwerk, qui est l’origine de cette campagne.

« Des entreprises fugitives »
Björn Höcke souligne d’abord qu’il faut soutenir les entreprises familiales parce qu’elles investissent et irriguent le tissu économique local. Avant de passer à l’attaque. « Ce que ces entreprises disent, c’est de la pure hypocrisie, dénonce-t-il. Vorwerk a deux usines en France parce que les prix de l’énergie y sont moins élevés. Miele fabrique ses produits en Pologne et a délocalisé son siège en Suisse. »
Ce sont des « entreprises fugitives », qui fuient « la folie bureaucratique » en Allemagne et « les prix exorbitants de l’énergie », liés à « un stupide tournant énergétique » et à la fin du partenariat avec « une Russie amie ».

« Et ce sont ces entreprises qui veulent maintenant nous persuader que ce n’est pas bon pour l’économie de voter pour l’AfD en Thuringe ? » martèle-t-il.

Le tribun promet de « libérer » le « véritable » Mittelstand de Thuringe, en abrogeant la loi sur le climat et en clarifiant la « jungle des subventions », et souligne que les chefs d’entreprise n’ont rien à craindre d’un gouvernement AfD.
On ne fait pas attention à tout. Volontiers personnel, Björn Höcke raconte qu’il a fait l’erreur d’acheter récemment une tronçonneuse Stihl. La veille, il expliquait que sa femme avait aussi été tentée de s’offrir un Thermomix. « Par chance », il a pu l’en dissuader.
Sur son blog, Björn Höcke martèle le même discours sur Vorwerk. « Il y a longtemps que tout n’est plus ‘Made in Germany’ dans cette entreprise de tradition. On fait produire en partie à Cloyes-les-Trois-Rivières et à Shanghai. » Contacté, Vorwerk indique s’appuyer sur un réseau d’usines européennes avec des sites de production à Wuppertal (où l’entreprise a démarré ses activités) et en France.

« La fabrication finale des Thermomix a toujours été réalisée dans notre usine en France », explique le groupe. Et en tant qu’entreprise familiale internationale, la société tient à s’engager « pour la tolérance, l’ouverture et la diversité ».

« Dans la banque, les gens ont la trouille »
Timm Mittelsten Scheid poursuit, lui, sa campagne pour expliquer les risques que fait peser l’essor de l’AfD sur le recrutement de salariés étrangers et les investissements dans l’est de l’Allemagne. « Si je peux parler vulgairement, j’ai le cul par terre lorsque je vois les tendances actuelles en Thuringe et en Saxe », explique le dirigeant dans un entretien avec « Welt am Sonntag ». « Et je ne suis pas le seul : je parle vraiment avec beaucoup de familles d’entrepreneurs. Dans la banque, les gens ont la trouille que notre démocratie et notre économie partent à vau-l’eau. »

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