L’ONG Génération futures a de son côté rappelé qu’il « avait su résister aux pressions » en tant que ministre de l’Agriculture, notamment sur les pesticides, et qu’il avait été le premier à ouvrir le ministère aux associations. Il avait aussi placé l’écologie parmi ses thèmes de prédilection, lors de la campagne des primaires LR en 2021, au risque de se voir moquer par sa famille politique. « Michel, c’est cui-cui les petits oiseaux », ricanaient certains, comme l’a rapporté « Le Monde » .
La question de ses positions actuelles n’en reste pas moins ouverte. « Il s’est peu exprimé récemment sur la transition écologique, hormis pour critiquer l’éolien », s’inquiète Anne Bringault, du réseau Action climat. Signal toutefois, le nouveau locataire de Matignon a assuré lors de sa passation de pouvoirs avec Gabriel Attal ce jeudi qu’« on attend d’un Premier ministre qu’il dise la vérité sur la dette financière et la dette écologique. »
Alors que la planification écologique relève désormais directement de Matignon, Michel Barnier trouvera sur son bureau un énorme travail, réalisé par le Secrétariat général de la planification écologique (SGPE), et entamé en 2022 à l’époque où Emmanuel Macron affirmait « mon quinquennat sera écologique, ou ne sera pas ».
Le SGPE a défini des trajectoires de mix énergétique et de décarbonation par secteur, une stratégie pour la biodiversité, un plan pour l’adaptation de la France au réchauffement climatique. Avec, en ligne de mire, le respect de l’objectif européen d’une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, et la neutralité carbone en 2050.
Portage politique
Le processus a toutefois été brutalement suspendu avec la dissolution. « Est-ce que Michel Barnier se sentira tenu par ce qui a été fait ? , s’interroge Benoît Leguet, directeur de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Les services de l’Etat ont travaillé, ce travail n’a pas vraiment de couleur politique. Il serait dommage de le jeter. »
Essentiellement technique, le travail du SGPE n’a toutefois de valeur que s’il trouve maintenant un portage politique. Quelle place pour le nucléaire, pour les énergies renouvelables ? Quelles aides et incitations à la rénovation énergétique des bâtiments, le verdissement du parc automobile, la décarbonation de l’industrie lourde ? Le nouveau gouvernement devra se positionner rapidement.
En particulier, dès le budget 2025. Alors qu’Elisabeth Borne avait été relativement volontariste, ayant débloqué 7 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour la transition écologique dans le budget 2024, Gabriel Attal s’est, lui, montré beaucoup plus attentiste.
Ces crédits ont été amputés de plus de 2 milliards d’euros, à l’occasion du premier plan d’économies budgétaires annoncé en février (de 10 milliards). Et la « lettre plafond » envoyée il y a quelques jours au ministère de la Transition écologique, au titre du budget 2025 « réversible », prévoit de nouveaux coups de rabots importants. « On est très inquiets », avance Anne Bringault.
« La crise climatique et environnementale n’a pas disparu, insiste de son côté le directeur de l’Iddri, Sébastien Treyer. De manière urgente, une première bonne décision serait d’annuler les baisses de crédits du Fonds vert et de l’Ademe découvertes dans les derniers documents budgétaires. »
La suite sera tout aussi importante. Plusieurs documents programmatiques, nécessaires pour inscrire dans le marbre les trajectoires envisagées, et prêts depuis l’automne , attendent toujours d’être publiés : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la stratégie nationale bas carbone (SNBC), le plan national d’adaptation au réchauffement climatique (PNACC)…
Financements pluriannuels
« Les acteurs économiques, dans les renouvelables ou le nucléaire par exemple, en ont besoin d’urgence, pour engager des investissements et recruter ! De même que les particuliers qui doivent s’endetter pour rénover leur logement », avance Géraud Guibert, président de la Fabrique écologique.
Enfin, derrière les trajectoires, se pose la question des moyens financiers dans la durée. « Le Trésor et le SGPE ont travaillé à une stratégie pluriannuelle de financement pour la transition : que deviendra-t-elle ? », insiste Benoît Leguet. En mai 2023, le rapport Pisani-Mahfouz estimait que la transition nécessiterait 66 milliards d’euros annuels supplémentaires à l’horizon 2030, dont 25 à 34 milliards de dépenses publiques.
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