L’aviation et l’automobile ont au moins un enjeu technologique en commun : les batteries. Si les avions de ligne 100 % électrique ne sont pas pour demain, la propulsion hybride, associant un moteur thermique à des moteurs électriques alimentés par des batteries, semble la piste la plus prometteuse pour des avions régionaux à faible émission de CO2. Les batteries sont aussi le point de passage obligé des aéronefs interurbains et même des futurs hélicoptères.

Mais plus encore que pour l’automobile, les batteries restent la principale limitation technologique à l’électrification de l’aviation, du fait de leur puissance limitée et de leur poids. A titre d’exemple, 150 tonnes de batteries actuelles seraient nécessaires pour faire décoller un Airbus A320 de 150 passagers, dont la masse maximale au décollage est de 68 tonnes. A cela s’ajoute un risque d’explosion ou d’incendie, en cas d’emballement thermique.

La batterie n’est pas un composant aéronautique
« Les batteries font partie des briques technologiques nécessaires pour aller vers la neutralité carbone, mais en l’état actuel, la batterie n’est pas un composant aéronautique, souligne Karim Mokaddem, directeur de la stratégie hybride et électrique du groupe Airbus. Contrairement à l’automobile, on ne peut pas compenser l’effet négatif de la masse de la batterie sur la consommation en récupérant de l’énergie au freinage. On ne peut pas non plus s’arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence en cas d’emballement thermique. Le point de dimensionnement est donc plus difficile à trouver. »
Face à ce double défi de la densité énergétique et de la sécurité posé par les batteries, Airbus s’est mis très tôt au travail. Le premier projet d’avion à propulsion électrique, l’E-fan, remonte à 2011. Le projet a été stoppé en 2017, quand il est apparu clairement qu’une propulsion 100 % électrique pour le transport aérien n’était pas réaliste. Mais depuis, le groupe a clarifié sa feuille de route, en faisant le tri entre le possible et le rêve. Si une propulsion électrique reste hors de portée, même pour le plus petit des Airbus, le groupe a identifié plusieurs cas d’usage, qui intéressent aussi bien l’avionneur Airbus que la division défense et spatial et Airbus Helicopters.

Une feuille de route et des cas d’usage
Parmi les pistes explorées, c’est l’hélicoptère qui offrirait le plus de possibilités à l’électrification. « Nous avons démontré l’intérêt d’embarquer des batteries [couplées à un moteur électrique d’appoint dans nos hélicoptères, NDLR], soit pour atterrir en sécurité en cas de défaillance du moteur thermique, soit pour réduire la consommation à certaines phases de vol à travers l’hybridation, explique Karim Mokaddem. On peut atteindre jusqu’à 15 % de réduction de la consommation de carburant. »
Mais l’avion n’a pas été oublié, avec la campagne d’essais, de juin 2023 à l’été 2024, d’un petit avion à propulsion hybride « distribuée », l’Ecopulse, développé avec Daher et Safran, qui associe six petits moteurs électriques Safran placés le long des ailes à un moteur thermique. « Ce premier démonstrateur nous a permis de mieux comprendre les problèmes posés par l’utilisation et la certification de batteries telles qu’elles existent aujourd’hui, mais utilisées à une tension beaucoup plus forte, de 800 volts. Soit près de huit fois le niveau de tension des avions actuels, précise Karim Mokaddem. Nous sommes parvenus à un consensus sur ce niveau de 800 volts, qui répondrait aux besoins des petits avions et des hélicoptères. »

Les gros avions aussi, peuvent en bénéficier
Quant aux gros avions, s’ils ne voleront pas de sitôt à l’électricité, les études ont permis de dégager quelques pistes intéressantes. « Nous avons revu notre approche, en étudiant le dimensionnement de batteries pour des besoins non propulsifs, comme l’air conditionné. Mais aussi pour aider le moteur thermique pendant les phases de transition durant lesquelles son efficacité n’est pas optimisée, poursuit le directeur d’Airbus. Nous avons travaillé le sujet avec nos motoristes pour aboutir à une zone de design qui permettrait de réduire la consommation d’un A320 d’environ 5 %. »

Tous ces cas d’usage nécessitent toutefois d’atteindre les spécifications techniques requises pour les batteries. Airbus n’a pas vocation à fabriquer des batteries, mais il a néanmoins constitué une équipe d’une cinquantaine d’ingénieurs, au sein d’Airbus Defence and Space, qui fait office de « centre de référence » pour l’ensemble du groupe. A eux d’étudier et de tester des batteries susceptibles d’équiper, demain, des satellites, des hélicoptères, des taxis volants ou des avions Airbus.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr