Une fois n’est pas coutume, dans le duel à distance entre Carlos Tavares et Luca de Meo, c’est le premier qui joue le gentil. Habitué à endosser le costume du provocateur, le patron de Stellantis a, sur le sujet de la baisse des émissions de CO2, pris l’habit du bon élève. Une métamorphose récente.
Quant au patron de Renault, Luca de Meo, il a adopté ces derniers mois la posture inverse, celle du contestataire. Il remet en cause la baisse de 15 % des émissions de CO2 demandée par l’Union européenne aux constructeurs en 2025. Ce qui passe par davantage de ventes de voitures électriques.
« Un peu plus de souplesse »
Le patron d’origine italienne se montre de plus en plus critique sur le sujet, à mesure qu’approche l’échéance de 2025. « Nous avons besoin d’un peu plus de souplesse dans le calendrier », déclarait-il dans nos colonnes en juillet.
Egalement président de l’ACEA, l’Association des constructeurs européens d’automobiles, il brandit en outre le risque de 15 milliards d’euros d’amendes pour l’industrie automobile si les ventes d’électriques ne décollent pas et que les règles n’évoluent pas. En réalité, seuls Renault et Volkswagen sont en retard, donc en danger .
L’opération Ampere
Entre Carlos Tavares et Luca de Meo, les positions sur l’électrification étaient inversées il y a quelques mois encore. Jusqu’à la fin 2023, Luca de Meo lustrait la carrosserie d’Ampere , sa nouvelle entité consacrée à l’électrique, pour vendre aux investisseurs son introduction en Bourse. Pas question de dire, dans le contexte d’alors, qu’il faudrait repousser l’objectif de baisse des émissions de CO2 parce que les ventes d’électriques seraient insuffisantes.
L’abandon de cette opération boursière, en janvier, semble avoir libéré la parole du patron du groupe au losange. A tel point qu’au printemps, à peine dévoilée sa prometteuse R5 électrique, il plaide pour un report des échéances d’électrification des ventes.
La liberté de se déplacer
Ne craignant pas de se contredire, il tente toutefois de rassurer des investisseurs de plus en plus inquiets sur les capacités de Renault à remplir ses obligations de baisse d’émissions. « S’il y a un constructeur qui peut atteindre ses résultats, c’est bien nous », martèle-t-il en présentant ses résultats semestriels fin juillet. Alors pourquoi réclamer un report ?
Carlos Tavares, lui, a effectué un virage en épingle sur le véhicule électrique au cours des derniers mois. Jusqu’à peu, il ne masquait pas son désamour pour la voiture électrique. Et il brocardait volontiers l’interdiction des ventes de voitures neuves thermiques en Europe prévue pour 2035. Une atteinte à la liberté de se déplacer, arguait-il.
L’électrique, c’est fantastique
Depuis quelques mois, il ne veut plus rien changer. La voiture à batteries, c’est fantastique, glisse-t-il aux investisseurs. « Si vous roulez dans un de nos véhicules électriques, vous tomberez d’accord avec moi : ce sont de meilleures voitures, en termes de dynamique, de silence, bref, en tout point », a-t-il même plaidé devant les analystes rassemblés à Détroit en juin dernier.
En Europe, il ne veut pas voir remise en cause la baisse des émissions de CO2 de 15 % imposée par Bruxelles aux constructeurs dès 2025. « Ce que je demande, c’est de la stabilité, martèle-t-il dorénavant. Arrêtez de changer les règles, ou de laisser penser qu’elles pourraient changer. »
Ne pas changer le programme
Le bon élève ne veut pas modifier le programme qu’il bachote depuis des mois et des mois, au prétexte que les cancres n’ont pas révisé. Pour ne rien gâcher, la marche à franchir pour le groupe, du fait de son mix produit, est l’une des plus faciles à atteindre du secteur.
Aujourd’hui, Stellantis proclame donc qu’il « s’est organisé pour délivrer la compliance avec les normes en 2025 sans recourir à l’achat de crédits CO2 ». Pour autant, le groupe n’en appelle pas moins les Etats à continuer de subventionner les achats de voitures électriques, encore chères. Un effort budgétaire « plus que jamais nécessaire ». Même les bons élèves ont parfois besoin d’un coup de pouce.
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