L’Argentine poursuit ses expériences de politique monétaire, menées pour terrasser l’inflation et disposer d’une monnaie stable. Elle a presque tout tenté en matière de monnaie, sans succès. Le peso a perdu 99 % de sa valeur en dix ans face au dollar. En début d’année, le président, Javier Milei, qui avait dévalué le peso de 50 % un mois plus tôt, avait ainsi annoncé qu’il ne s’opposerait pas aux émissions de monnaies locales par les différentes provinces.

Celle de la Rioja, au nord-ouest du pays, a annoncé sa décision de lancer sa propre devise, notamment pour payer ses fonctionnaires. Elle avait déjà agi de la sorte il y a une vingtaine d’années, en pleine crise financière. Le chacho, qui vaut 1 peso, a été lancé avec pour objectif d’être un instrument de paiement pour la vie courante (taxes locales, eau, électricité, alimentation…). Disponible en billets de 1.000 à 50.000, il doit redynamiser l’économie locale, espère Ricardo Quintela, le gouverneur de la Rioja.
Pour le président argentin, qui avait fait campagne sur le thème de l’abolition de la banque centrale, la concurrence des devises est perçue comme vertueuse. Elle permettrait au marché de décider laquelle s’imposera à terme, malgré les risques de « sécession monétaire » des provinces. La monnaie reste en effet un instrument de souveraineté et d’autonomie à l’égard du pouvoir central.

Inflation record et recul du peso
Javier Milei prévient toutefois que la multiplication de ces monnaies pouvait favoriser la hausse des prix. Le pays détient le record de la plus forte inflation au monde, à 263 % en juillet et en rythme annuel. Elle est plus de six fois supérieure au taux d’intérêt (40 %) de la banque centrale. Avec des taux réels négatifs d’une telle ampleur, le peso argentin ne peut que reculer. Malgré son très bas niveau, il n’a pas rebondi et a encore cédé 17 % cette année.
Le dollar , qui vaut actuellement 953 pesos, devrait dépasser la barre psychologique des 1.000 pesos d’ici la fin de l’année. Les banques interrogées par l’agence Bloomberg le voient généralement entre 1.000 et 1.140 pesos. Goldman Sachs anticipe un effondrement de la monnaie argentine dans les prochaines années. Le dollar s’établirait à 2.100 pesos en 2027 quand Javier Milei aura terminé son mandat.
Le président argentin s’est engagé à explorer sans tabou toutes les pistes pour restaurer la confiance dans le peso. Or les crises à répétition ont ouvert la voie à des alternatives. Le pays a ainsi une longue tradition de coexistence pacifique de différentes monnaies (peso, dollar, monnaies locales…) sur son sol, chacune répondant aux différentes fonctions d’une devise. Le peso sert d’unité de compte et à payer ses impôts, le dollar de réserve de valeur et de monnaie de transaction dans l’immobilier et les devises locales sont utilisées pour les dépenses courantes.

Du troc au bitcoin
Par le passé, une quinzaine de provinces, notamment la Salta, avaient émis leurs quasi-monnaies. Privées de fonds par leur gouvernement aux abois, elles avaient émis des obligations pour payer leurs fonctionnaires et éviter les licenciements massifs. Ces titres adossés au peso étaient des solutions provisoires à l’échelon local pour remédier au manque de pesos. Hors des frontières, ces instruments de paiement non convertibles dans d’autres devises n’avaient aucune valeur.
En 1995, le succès progressif des Bourses d’échange et de troc entre particuliers du Red de Trueque (réseau de troc) conduisit à la naissance d’une autre monnaie, le « crédito », consacrée à ces transactions décentralisées. Elle compta jusqu’à 2,5 millions d’utilisateurs avant de décliner. Ses concepteurs prirent conscience de la difficulté de lancer une devise gérée de manière autonome, pour un large public.
Le bitcoin tente, lui aussi, d’apporter des réponses à ces problématiques. Dès son arrivée au pouvoir, Javier Milei a considéré la crypto comme « une réaction naturelle immunitaire contre les escrocs des banques centrales ». Il veut ainsi faire de son pays l’ un des cryptos leaders d’Amérique du Sud, comme El Salvador en Amérique centrale.

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