« C’est qui le patron ? » … Lancée en pleine crise du lait en 2014 par Nicolas Chabanne pour sauver les éleveurs grâce au soutien des consommateurs, la marque de « lait qui rémunère son producteur au juste prix » continue de prospérer, défiant inflation et baisse de pouvoir d’achat. Les volumes de vente augmentent chaque année malgré des prix supérieurs au reste du marché. En dix ans, la commercialisation de ce lait à cette marque est passée de 10 millions de litres à 75 millions de litres, explique Emmanuel Vasseneix, le patron de LSDH (Laiterie Saint-Denis-de-l’hôtel), seule entreprise à vendre la marque, qui représente 20 % du lait qu’elle met en marché.
Et tout cela alors que les autres catégories de lait, moins chères, souffrent d’une déconsommation régulière que rien ne semble pouvoir enrayer. Les ventes de briques de lait ont chuté de 8,5 % en volume entre 2019 et 2023, selon les données de Circana et de l’interprofession (CNIEL). Même les Marques de distributeurs (MDD), qui se vendent entre 1,05 euro et 1,20 euro quand le lait estampillé « C’est qui le patron ? » est à 1,27 euro le litre. L’écart n’est sans doute pas majeur, mais, dans d’autres secteurs de l’alimentation, il est amplement suffisant pour détourner le consommateur. Encore plus depuis la vague d’inflation qui a suivi la guerre en Ukraine, où quelques centimes suffisent à délaisser un produit au profit d’un article moins cher.
Le consommateur au centre
Dans un contexte, où les industriels se battent chaque année sur des centimes avec les distributeurs, la marque « C’est qui le patron ? » tient du cas d’école. Comment expliquer que perdure son succès ? Sans doute faut-il remonter aux raisons pour lesquelles cette marque a vu le jour.
L’idée de Nicolas Chabanne il y a dix ans lorsqu’il l’a créée, était d’impliquer profondément le consommateur en lui donnant la possibilité de définir les conditions auxquelles il était prêt à payer plus cher un produit aussi basique qu’une brique de lait. Avec pour objectif, le sauvetage de nombreux producteurs menacés de disparition.
Un questionnaire très détaillé avait abouti à l’élaboration d’ « un cahier des charges extrêmement exigeant », selon Emmanuel Vasseneix, le patron de LSDH , dont le respect garantissait au producteur de percevoir un prix qui couvre son coût de revient et lui offre une marge. Ce mode de fonctionnement a perduré. A ce jour, les producteurs perçoivent 54 centimes du litre de lait en 2024, quand les autres sont payés 48 centimes.
LSDH, qui ne fait pas plus de marge sur ce lait se dit satisfait. Les enseignes et les consommateurs aussi. Pour les éleveurs, le secret de cette réussite commerciale est « dans la transparence. Les prix se discutent à trois. Chaque partie est au courant de tout. On sait exactement quelle part va nous revenir », dit Jérôme Chapon, éleveur dans la Manche et président de l’association des 650 producteurs qui livrent leur lait à LSDH pour « C’est qui le patron ». « D’autres producteurs souhaitent nous rejoindre. Nous avons réussi à dupliquer notre modèle de fonctionnement chez groupe Novandie (Mamie Nova), ainsi que dans la restauration ».
Les éleveurs « les mieux payés »
Les éleveurs se félicitent de « faire partie de ceux qui sont les mieux payés en France ». Ils ont repris goût à leur travail. « Ils gagnent leur vie. Ils ne sont plus obnubilés par les factures en fin de mois. Ils prennent le temps de retravailler l’alimentation de leurs animaux. Ils replantent des haies, ils embellissent leur exploitation », dit Emmanuel Vasseneix.
Le système n’en est pas moins très contraignant. « Un commissaire aux comptes vérifie chaque mois que les prix du lait facturés au consommateur résultent bien du prix perçu par le producteur. Les contrôles sont multiples, y compris de la part de la DGCCRF, qui n’a jamais rien eu à redire », ajoute Emmanuel Vasseneix.
Le système « C’est qui le patron ? » a été élargi à quelques autres productions, comme les oeufs et le jus de pomme, où il fonctionne bien. Il a aussi eu ses échecs. Comme sur le beaujolais. Et de l’avis de toutes les parties il n’est pas toujours transposable. « Comment définir un coût de production lorsque de multiples ingrédients entrent en jeu, ou que l’entreprise a des produits à l’export, des premiers prix, des MDD, des marques nationales et fabrique du fromage, du lait et des yaourts ? « interroge Emmanuel Vasseneix.
Malgré son succès, la marque « C’est qui le patron » ne porte que sur un faible volume (75 millions de litres) par rapport à la masse de 2 milliards de litres de lait commercialisée en France.
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