Lorsque Huawei et Xiaomi ont annoncé leur intention de se lancer dans l’automobile, la plupart des pontes du secteur ont ricané plus ou moins ouvertement. Concevoir et fabriquer une voiture est une tâche autrement complexe et exigeante que d’usiner des smartphones, expliquaient-ils en substance.
Depuis, les deux géants de la tech chinoise ont accouché de leurs premiers modèles en un temps record. La SU7 de Xiaomi, qui propose une qualité proche du premium allemand pour un prix inférieur à 30.000 euros, est même la sensation de l’année.
Ces réussites ont été possibles car les deux entreprises n’ont pas cherché à copier les process industriels longs et rigides de leurs concurrents occidentaux. Elles se sont au contraire coulées dans les nouvelles voies défrichées d’abord par Tesla, puis par les start-up chinoises de l’auto, qui sont allées chercher leur inspiration… dans la téléphonie. Une approche novatrice, qui procure aux nouveaux entrants un tel avantage concurrentiel que les cadors du vieux monde, s’ils veulent survivre, vont être contraints de s’aligner.
Toujours plus de nouveaux modèles
Cette révolution s’est cristallisée dans la République populaire depuis quelques années. Après avoir longtemps borné son horizon à l’offre des marques occidentales, la clientèle chinoise a affirmé ses préférences. Avec un goût prononcé pour les véhicules connectés, et un très fort appétit, bien plus qu’en Europe, pour la nouveauté.
Pour percer, les constructeurs chinois ont joué à fond cette double carte. En imitant Tesla sur le premier point, et en sortant très régulièrement des nouvelles voitures pour coller aux tendances du marché, comme le font les acteurs de la tech. Sur le seul premier semestre 2024, le géant BYD a lancé quatre modèles sous sa marque principale. Les constructeurs historiques ne peuvent pas suivre, et leurs ventes sur place s’étiolent à vue d’oeil.
Cette accélération bouscule l’ensemble du modèle économique. Dans un marché qui se renouvelle vite, un modèle va perdre plus rapidement de sa fraîcheur, et sa durée de vie s’en trouve raccourcie. Aujourd’hui, Toyota ou Volkswagen peuvent conserver un modèle six à huit ans sur le marché (la Golf a connu huit générations en cinquante ans), en opérant un lifting à mi-vie. Cette durée pourrait diminuer rapidement à quatre ou cinq ans seulement.
Pour amortir tout de même les coûts de développement et de production, les jeunes pousses chinoises auraient pu augmenter leurs prix. Elles ont choisi de comprimer les dépenses. Le délai moyen pour développer un nouveau modèle dans l’ex-empire du milieu a été ramené à deux ans, soit deux fois moins que ce qui prévaut en moyenne en Europe.
Faire table rase du passé
« Etre aussi rapide suppose d’abandonner la logique de modèle, en tout cas sur le plan technique, pour passer à l’assemblage de différents modules préexistants », détaille Sébastien Amichi, chargé de l’automobile chez Kearney. Les acteurs chinois, poursuit-il, gagnent également du temps en dissociant le travail sur l’architecture logicielle de la voiture et celui sur le hardware. Comme dans la téléphonie, là encore. Leur objectif est désormais de descendre à dix-huit mois.
Le coup de rabot concerne aussi les investissements liés à la production. « Les nouveaux entrants ont des niveaux de ‘capex’ nettement moins élevés, confirme le consultant. Xiaomi, par exemple, se concentre sur le design et le logiciel, et a sous-traité l’assemblage à un autre constructeur, à l’image de ce que fait Apple pour ses smartphones. D’autres font venir des sous-traitants sur la ligne pour l’emboutissage ou la peinture, et les rémunèrent à la pièce. »
Ce fonctionnement n’est pas sans inconvénient. La réduction des délais de développement aboutit, lors du lancement, à des niveaux de qualité inférieurs aux standards occidentaux, en particulier dans les logiciels embarqués. Le débogage des premiers exemplaires (grâce à des correctifs envoyés par Internet) peut durer plusieurs mois. Ce risque ne semble toutefois pas décourager les clients.
Cette « téléphonisation » de l’industrie ne va pas rester circonscrite à la Chine. Le premier marché du monde assure également un tiers de la production mondiale et donne le « la » à toute la planète. Ses champions ont déjà commencé à décliner leur recette hors de leurs frontières.
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