Bientôt, ce sera au tour de Google de faire valoir ses arguments et de riposter dans le procès antitrust sur ses pratiques dans la publicité en ligne, qui a démarré le lundi dernier aux Etats-Unis. Mais pour l’heure, c’est le gouvernement américain, à l’origine de la plainte, qui a la main, obligeant le géant de Mountain View à encaisser les coups.
L’accusation a ainsi présenté devant les juges du tribunal d’Alexandria, en Virginie, les notes et témoignages censés démontrer l’emploi de pratiques anticoncurrentielles et un abus de position dominante. Comme cette note interne rédigée il y a une quinzaine d’années par David Rosenblatt, dont la société DoubleClick venait d’être rachetée par Google pour 3,1 milliards de dollars, et transmise aux équipes de Brad Brender, ancien cadre et vétéran de la publicité en ligne du groupe, venu témoigner à la barre : « Je crois vraiment que si nous pouvons mettre en place cela, nous serons capables d’écraser les autres réseaux. »
Ligne d’attaque
Dans le détail, il s’agissait pour le géant de la publicité en ligne d’équiper de ses outils maison, d’un côté, les éditeurs ayant des inventaires en ligne à vendre, de l’autre, les agences médias achetant ces espaces publicitaires au nom de leurs clients annonceurs, mais aussi de proposer la plateforme de mise en vente et d’enchères au milieu (et faisant le lien entre ces offres et ces demandes), ainsi que l’infrastructure technologique sous-jacente pour faire fonctionner cet écosystème.
« Nous sommes à la fois Goldman et NYSE », écrivait aussi David Rosenblatt dans cette note, où il fait valoir que changer de plateforme s’avérera être un « cauchemar » pour les éditeurs, en ce qui concerne l’adserver (l’outil assurant la diffusion des publicités sur les sites des éditeurs) DoubleClick for Publishers (DFP), intégré depuis au sein de Google Ad Manager.
Une manière d’enfermer éditeurs et annonceurs dans son écosystème et exclure du marché – ou tout du moins affaiblir lourdement – les adtechs rivales, avant de pratiquer, dans un second temps, des prix plus élevés auprès des annonceurs et éditeurs ne pouvant se passer de ses solutions, selon l’argumentaire du département américain de la Justice (DoJ).
L’administration soutient aussi que Google réservait un volume important de campagnes publicitaires programmatiques (récoltées via ses clients que sont les agences et les annonceurs) aux éditeurs qui utilisaient son adserver.
La question des éventuels « remèdes »
De la sorte, le DoJ s’échine à prouver que Google a sciemment fait du « tying » (ventes liées entre différents services), en rendant volontairement non interopérables certains de ses services avec des offres d’autres adtechs. Suffisant pour faire condamner le groupe californien pour abus de position dominante et pratiques anticoncurrentielles.
Avec ce procès, le gouvernement poursuit son objectif de démanteler la suite adtech de Google, afin de rééquilibrer le marché. Selon l’analyste spécialisé dans l’adtech, Terence Kawaja, auditionné par le tribunal, la valeur cumulée des six services spécialisés de Google (Google Ad Manager, Display and Video 360, Google Ads, Ad Sense, AdMob et Google Campaign Manager 360) s’élève à près de 100 milliards de dollars. Un montant qui rend complexe la question des éventuels « remèdes », dans le cas où Google en viendrait à perdre le procès et devrait vendre certaines de ces activités. « Il n’y a pas d’acheteur pour ça », a pointé Terence Kawaja.
Dans les prochaines semaines, Google aura à coeur de défendre son positionnement et ses pratiques commerciales pour éviter une telle issue.
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