Il faut d’urgence restaurer la santé des sols. Ce n’est pas un écolo zadiste ni un bobo permaculteur qui le dit, mais un professeur de médecine de renommée internationale, Christian Bréchot, ancien directeur de l’Inserm et de l’Institut Pasteur. Avec Emmanuel Roux, il vient de publier « La révolution des microbiomes » (Odile Jacob), un essai accessible et fascinant où il tire les conséquences sur notre modèle agricole des dernières découvertes scientifiques ayant trait aux bactéries.

Charme discret
Microbiomes et microbiotes sont en effet à la mode dans la recherche médicale et commencent à émerger dans la conscience collective, comme en témoigne le succès mondial du livre d’une doctoresse allemande, Giulia Enders, à propos de nos intestins. Ils désignent les milliards de bactéries qui interagissent en permanence avec les corps organisés, en particulier, dans notre cas de mammifères, à travers le système digestif. Longtemps sous-estimées, voire confondues avec des pathogènes qu’il faudrait à tout prix éliminer à coup de stérilisation et d’hygiène excessive, les bactéries retrouvent le devant de la scène.
Seule forme de vie pendant 3 milliards d’années, elles constituent la première biomasse terrestre, leur poids estimé étant plus de mille fois supérieur à celui de tous les Homos sapiens réunis. Sans elles, les cadavres ne se décomposeraient pas, la vie ne pourrait se renouveler ni l’évolution naturelle suivre son cours. On pourrait dire que les bactéries sont la condition du passage du temps sur une planète vivante.
L’originalité de l’essai de Christian Bréchot est de décrire le lien entre le microbiome du sol et celui de notre estomac. D’un point de vue métaphysique, il n’y a qu’un microbiome universel, dont la Terre comme les êtres vivants complexes ne sont que des substrats, des passeurs. En nous et en dehors de nous circulent en permanence ces animalcules innombrables et variés : comment mieux illustrer notre lien au reste du vivant ?

Influence directe
Biologiquement, le microbiome des sols influe directement sur la composition et l’équilibre de notre propre organisme. Sans surprise, des sols épuisés par le labour profond et les intrants chimiques de la « révolution verte » vont générer des microbiomes pauvres, facteurs de nombreuses maladies (cancers, maladies neurodégénératives, etc.) et responsables des progrès inquiétants de l’antibiorésistance. L’intuition de Feuerbach, un philosophe allemand contemporain de Hegel, s’avère plus juste que jamais : nous sommes ce que nous mangeons.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr