Les concurrents s’attendaient à un tsunami. Ce n’est, pour l’instant, qu’une vaguelette. Arrivé en France il y a un an tout juste, le très ambitieux constructeur chinois BYD, numéro un de l’électrique dans le monde, monte très doucement en puissance.

« Nous les avions vu arriver avec horreur, après le carton dans l’électrique réalisé par leur compatriote MG, témoigne un constructeur concurrent. Nous suivions l’évolution de leurs parts de marché avec beaucoup d’attention. »

Le rythme s’accélère
Mais en douze mois, les ventes de BYD n’ont pas (encore) atteint le niveau d’alerte surveillé par les acteurs historiques. Depuis leur arrivée sur le marché français, ils n’ont immatriculé que 2.658 voitures, d’après le décompte de AAA Data. Pas de quoi inquiéter outre mesure, pour l’instant, les marques installées.
Toutefois, le rythme s’accélère. Après avoir écoulé 427 unités au deuxième semestre 2023, ils en ont poussé plus de 1.700 dans les mains des clients au premier semestre 2024. De quoi dépasser leur compatriote Link & Co, mais pas MG, débarqué de Chine il y a plus longtemps en reprenant intelligemment une marque historique britannique.
S’il n’y a pas de raz de marée commercial BYD, c’est parce qu’ils veulent d’abord installer la marque et leur réseau de distribution.

Julien Billon, directeur général de AAA Data
« S’il n’y a pas de raz de marée commercial BYD, c’est parce qu’ils veulent d’abord installer la marque et leur réseau de distribution », analyse Julien Billon, directeur général de AAA Data. « C’est allé un peu moins vite que prévu, témoigne un concessionnaire. Nous sommes aux deux tiers de nos ambitions. »

A peine lancé, BYD a fait face à de forts vents contraires. Pour freiner l’élan des marques chinoises, le gouvernement français a en effet réformé le bonus à l’achat de voitures électriques à l’automne 2023, excluant de fait les véhicules importés de Chine sous couvert de leurs scores d’émissions CO2.

Des concurrents « agressifs »
A cela s’est ajouté le ralentissement des ventes d’électriques. Cet été, la Commission européenne a annoncé vouloir surtaxer les constructeurs chinois, partant du principe qu’ils bénéficient de subventions massives de la part de Pékin. « Ces droits de douane ont repositionné les acteurs chinois sur des offres moins compétitives qu’avant, relève le même concurrent. Ils sont toujours agressifs, mais moins qu’on le redoutait initialement. »
Moins mordant que prévu, BYD n’a pas pour autant limé ses canines. Le constructeur s’était dit prêt à « démolir les vieilles légendes » de l’automobile, à l’été 2023. En ce mois de septembre, l’ampleur des ristournes octroyées lors des portes ouvertes donne une idée de son ambition en France. « La marque joue le jeu pour permettre à son réseau d’aller chercher du volume », se félicite Thibaud Carissimo, directeur général adjoint du groupe Bodemer, qui distribue la marque chinoise.

« L’environnement est un peu incertain, mais nous bénéficions d’une progression nette des volumes mois après mois, prévient Manon Daher, également directrice générale adjointe de Bodemer. Il ne faut pas arrêter son jugement sur la seule performance de cette première petite année. »

Les composantes du succès
Le constructeur a recruté en cette rentrée un nouveau directeur général expérimenté, Emmanuel Bret, qui a travaillé pour BMW, VinFast et Fisker. « BYD a toutes les composantes pour devenir un succès, affirme aux « Echos » ce nouveau converti. Certes, le marché européen est difficile d’accès, mais nous avons des produits de qualité avec un positionnement prix unique, nous sommes le leader mondial et nous avons la bonne stratégie de s’allier avec des concessionnaires qui connaissent à fond leur région. »
Le réseau s’étoffe de jour en jour. Il compte aujourd’hui une trentaine de points de vente. Le chinois a contracté avec onze groupes de distribution, parmi les plus gros, pour couvrir l’ensemble de l’Hexagone. Il vise une centaine de concessions d’ici à fin 2025.

« Nous avons beaucoup de demandes pour distribuer la marque, car les concessionnaires perçoivent très bien le potentiel du constructeur, numéro sept mondial toutes motorisations confondues, fort de 900.000 salariés dont 100.000 ingénieurs », poursuit Emmanuel Bret. Quitte à ne pas être à l’équilibre dès la première année, reconnaissent les concessionnaires.

Les particuliers en force
Derrière des immatriculations faibles, la structure des ventes de BYD apparaît saine. La moitié des immatriculations sont réalisées auprès des particuliers, relève AAA Data. Un très bon niveau pour une marque qui se lance.
Cela augure également d’une bonne profitabilité, car les prix aux particuliers sont moins négociés qu’avec les clients professionnels. Cela veut aussi dire qu’il n’a pas encore eu le temps de convaincre les gérants de flottes d’entreprises.
Même si BYD est venu en Europe avec des modèles conçus pour la Chine, sa gamme de 6 véhicules ne fait pas de sortie de route et s’étale de 26.000 à 70.000 euros. Le coeur de l’offre est classiquement celle d’un SUV de segment C (concurrent du Scénic et du e3008), l’Atto 3. Il dispose aussi d’une berline moyenne, la Dolphin, et d’une concurrente directe de la Model 3 de Tesla, avec la Seal.

Le modèle manquant
Il manque toutefois à BYD, pour faire du volume et véritablement gagner en parts de marché, une citadine à mettre en face de la e-208 de Peugeot ou de la future R5. Justement, elle devrait arriver l’an prochain.
Si le prix n’est pas encore connu, il devrait logiquement se situer sous les 20.000 euros, le modèle d’au-dessus, la Dolphin, étant vendue à 26.000 euros. Seules la Spring et la Citroën ë-C3 seront sous le plancher de la vingtaine de milliers d’euros.
Dans le cadre du ralentissement de la dynamique des ventes d’électriques, les concessionnaires ne sont pas mécontents non plus de voir arriver une version hybride rechargeable du SUV Seal-U, doté de 1.000 km d’autonomie en mode essence plus électrique.
BYD s’applique également à combler son déficit de notoriété. Il n’a pas hésité à sortir le chéquier et à devenir l’un des principaux sponsors de la dernière édition de l’Euro de football. Plus inquiétant encore pour les concurrents qui le voient débarquer en Europe, le chinois a commencé la construction d’une usine d’assemblage en Hongrie et a prévu d’en ériger une autre en Turquie afin d’éviter les futurs droits de douane punitifs. Et de s’épargner l’affichage plus très à la mode « made in China ».

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr