Entre avril et août 2024, les fermetures d’usines ont été plus nombreuses que les ouvertures en France, selon la dernière étude du cabinet Trendeo. La série noire va-t-elle s’allonger avec Ynsect, érigé en symbole de la réindustrialisation grâce à son gigasite de Poulainville (Somme) ?
Ce scénario n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais la start-up pionnière dans l’élevage d’insectes vient d’obtenir l’ouverture d’une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce d’Evry. Une étape qui signifie qu’elle rencontre de sérieux problèmes financiers mais est en mesure de poursuivre son activité. Jusqu’à quand ? Selon une source, l’agritech serait bientôt à court de cash. Son dossier a été étudié ces dernières semaines par des banques d’affaires de la place de Paris pour un potentiel refinancement ou un rachat.
Besoin de financements
De fait, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde place la société en phase d’observation pendant une durée pouvant aller jusqu’à douze mois. L’occasion d’établir un inventaire de ses biens et d’établir une liste précise de ses créanciers. Si la société peut être sauvée, le tribunal définira un plan qui mettra fin à la période d’observation et entraînera des mesures de restructuration. Celui-ci devra être impérativement approuvé par les créanciers. Si un plan de sauvegarde est impossible et que la trésorerie vient à manquer, la start-up n’aura d’autre choix que de se déclarer en cessation de paiements. Le tribunal pourra alors convertir la procédure en redressement ou en liquidation judiciaire.
Dans un communiqué, Ynsect admet être « confronté à une conjoncture économique et financière complexe, caractérisée par l’assèchement des financements habituellement dirigés vers les entreprises en croissance ». En 2022, les ventes de produits finis de la jeune pousse se sont élevées à seulement 568.000 euros pour une perte de 89,7 millions d’euros (les comptes 2023 n’ont pas encore été déposés).
La start-up indique que son projet industriel près d’Amiens, dont la livraison a connu du retard et dont le coût a dérapé, « nécessite des capitaux additionnels dans l’attente d’un niveau de production et de ventes permettant d’assurer la rentabilité de l’entreprise ». « Au global, la capacité nominale est loin d’être présente, l’usine est en cours de montée en puissance, mais pas suffisamment pour délivrer un chiffre d’affaires significatif pour soutenir l’activité de la société », souligne un bon connaisseur de l’entreprise.
L’ouverture de cette procédure de sauvegarde intervient un peu plus d’un an après que la société a annoncé avoir bouclé un financement de 160 millions d’euros qui, selon nos informations, s’était traduit par une baisse nette de sa valorisation. « Les investisseurs actuels n’ont pas les moyens de remettre au pot de manière significative, la start-up cherche des fonds étrangers », poursuit une source. Le hic ? Une procédure de sauvegarde est un signal souvent décourageant pour l’entrée de nouveaux actionnaires.
Une onde de choc
Chose inhabituelle : la société n’avait pas indiqué qui étaient les fonds ayant participé à sa dernière opération. Ce tour de table s’était accompagné d’un plan de licenciements (environ 20 % des employés) et du remplacement de son dirigeant historique, Antoine Hubert, par Shankar Krishnamoorthy.
La chute d’Ynsect constituerait une onde de choc pour la French Tech. Car la société a souvent été présentée comme un symbole des jeunes pousses industrielles conjuguant innovation, développement durable et création d’emplois dans les territoires. Depuis sa création en 2011, Ynsect a levé plus de 600 millions de dollars et a bénéficié d’un large soutien de Bpifrance et de l’Etat français, qui l’a intégré pendant plusieurs années de rang dans le Next40, l’indice réunissant les jeunes pousses les plus prometteuses du pays.
La procédure au tribunal de commerce d’Evry est pilotée par Hélène Bourbouloux. Une experte qui a supervisé le dossier Luko, une autre pépite de la French Tech, rachetée à la casse par Allianz en début d’année. Un destin auquel Ynsect et ses investisseurs espèrent à tout prix échapper.
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