Ne pas se laisser distancer. Confronté à une baisse des transactions opérées par le réseau de paiement national, connu sous le nom de « CB », le groupement d’intérêt économique (GIE) Cartes Bancaires poursuit son réarmement et annonce le lancement, pour 2026, d’une nouvelle méthode de paiement en ligne.

Baptisée « Click to Pay », cette innovation, déjà disponible aux Etats-Unis, permettra aux consommateurs de payer en un clic sur tous les sites commerçants qui proposent l’option, sans rentrer systématiquement ses coordonnées de carte bancaire. Les grands réseaux américains, Visa et Mastercard, avaient déjà fait part de leur volonté de se lancer sur le marché français, mais le doute persistait quant à la présence de CB.
« Nous avons étudié l’opportunité de lancer ce type de service avec les banques membres de CB, nous avons également interrogé les commerçants, et nous avons décidé d’intégrer ce nouveau cas d’usage », annonce aux « Echos » Loÿs Moulin, directeur Projets et Marketing chez CB. La solution, présentée comme sûre, rapide, sécurisée, et sans mot de passe, permet aux détenteurs d’une carte bancaire d’enregistrer une seule fois leurs données.

Contrôler la fraude
Ces dernières sont recueillies par une plateforme de tokenisation, qui les met à l’abri. En échange, le client reçoit un jeton. De prime abord, ce dernier est similaire à sa carte bancaire, à une différence près : il n’a en soi aucune valeur. Le jeton ne contient effectivement qu’une suite de chiffres, et donc aucune donnée sensible. Une manière de contrôler la fraude.
Et si les géants américains se tiennent prêts pour le déploiement commercial de l’offre – le lancement de Click to Pay a été annoncé en mars par Visa – ils pourraient finalement être contraints de retarder leurs plans. « Aujourd’hui, les banques, sans qui le service ne peut pas être proposé, souhaitent déployer Click to Pay en simultané sur les différents réseaux de paiements », avance Loÿs Moulin. Une manière pour les grandes banques françaises, membres du GIE Cartes Bancaires, de prouver leur unité face à Visa et Mastercard.
Mais cette annonce marque aussi un véritable coup d’accélérateur de CB sur le numérique. Aux Etats-Unis, Click to pay est proposé depuis seulement quelques années par Visa et Mastercard, et les retours d’expérience manquent sur l’adoption de ce standard, développé par la société EMVCo et présenté sous la forme d’un bouton à chevrons sur la page de paiement des commerçants. Pour le réseau national de paiement, l’enjeu est de ne pas rater le coche dans cette technologie perçue comme l’avenir du paiement, et de ne pas laisser le champ libre à ses concurrents.
Car CB a perdu des parts de marché. Alors que le réseau tricolore traitait plus de 90 % des flux de paiements en France il y a quelques années, ce chiffre est tombé à un peu moins de 85 %. Dans le même temps, les transactions ont explosé de 40 %. La perte de terrain est donc réelle. Et l’une des raisons de ce déclin réside dans le retard d’investissement sur le numérique, dans le paiement mobile notamment.

Accélération dans la tokenisation
Aujourd’hui, deux banques seulement – le Crédit Agricole/LCL et Société Générale – ont développé des infrastructures permettant de faire transiter les flux de paiements des portefeuilles électroniques, comme Apple Pay, par CB. Résultat : la majorité des transactions par mobile – qui représentent aujourd’hui 10 % des paiements par carte de proximité – passent par Visa et Mastercard.
D’ici au premier semestre 2025, l’ensemble des banques françaises devraient cependant pouvoir faire transiter les flux par la plateforme de tokenisation de CB, opérée par la société STET. Un investissement qui s’inscrit dans le cadre du plan « Dynamique 2026 », présenté en juin 2023 par le GIE Cartes Bancaires.
Face à la colère des commerçants – qui alertaient sur l’envolée des frais de Visa et Mastercard -, le GIE Cartes Bancaires avait à l’époque annoncé débloquer plusieurs dizaines de millions d’euros sur trois ans. Un des principaux axes de travail reposait notamment sur la tokenisation, une technologie invisible pour l’utilisateur, mais sur laquelle se base le paiement mobile ou Click to Pay, par exemple.
Et les cas d’usage se multiplient. D’ici à 2030, Mastercard ambitionne même de faire passer la totalité des transactions opérées en ligne par sa plateforme de tokenisation. « L’ensemble des acteurs ont fait le même constat, la fraude diminue à mesure que la tokenisation progresse, et le taux d’approbation des transactions augmente », détaille Brice van de Walle, directeur général de Mastercard France.

« La technologie facilite aussi la vie des gens. Si vous changez de numéro de carte, les informations pourront être mises à jour chez tous les commerçants chez qui vous aviez enregistré votre carte bancaire », détaille-t-il. Cette technologie, baptisée « Card-on-File », est principalement utilisée pour les abonnements. Elle permet au commerçant, avec l’accord du client, de stocker ses données sur une plateforme de tokenisation, et donc de ne pas perdre d’abonnés lorsqu’une carte bancaire arrive à expiration. Une nouvelle fois, CB organise la contre-attaque. Des tests sont en cours de réalisation pour un lancement en 2025.

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