Dimanche, l’Autriche a vécu un séisme politique. A l’issue des élections législatives, l’extrême droite est devenue la première force du pays, avec plus de 29 % des voix. Cette victoire ne fera pas « tomber le système », comme le clamait le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ) avant les élections. Mais il fait tout de même tomber des idées reçues. Au moins trois enseignements peuvent être tirés de ce succès, qui intervient après ceux de l’extrême droite en Allemagne, début septembre.
D’abord, une « normalisation » de l’extrême droite n’a rien d’une évidence. Sur le plan politique, on considère souvent le « recentrage » comme une étape inévitable pour ces partis. Afin d’élargir son audience, à un moment ou un autre, il faut mordre sur l’électorat conservateur, sceller des alliances et cesser de choquer.
C’est le chemin suivi par Marine Le Pen avec sa stratégie de « dédiabolisation ». Dans ce cadre, le Rassemblement national a abandonné la sortie de l’euro, l’interdiction de la double nationalité et pris ses distances avec les remarques antisémites de son père. Imposée par le système politique français, cette stratégie vise à rallier 50 % des électeurs lors d’une présidentielle.
Retour sur terre ?
Mais les succès de l’extrême droite en Allemagne montrent que cette évolution n’est pas forcément le sens de l’histoire. Depuis sa création en 2013, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) n’a cessé de durcir son discours sur l’immigration. La formation, qui se vit comme un parti antisystème, a plutôt cherché à installer ses idées radicales dans le débat public et à polariser. Malgré ses outrances, elle est créditée de 18-19 % d’intention de vote outre-Rhin.
Seconde idée fausse, l’exercice du pouvoir serait le moment du retour sur terre. Le raisonnement est le suivant. Si l’extrême droite applique sa politique économique et sociale, sa popularité s’effondrera car les électeurs constateront que la formation est incapable de tenir ses promesses. L’alternative réaliste, c’est donc la « normalisation », à l’image du chemin suivie par Giorgia Meloni en Italie.
Après avoir bâti une partie de son succès sur des attaques de la bureaucratie bruxelloises, la dirigeante des Fratelli d’Italia a suivi une ligne très proche de celle de Mario Draghi sur la politique industrielle, le budget ou la guerre en Ukraine. Ce choix n’a pas porté à conséquence. Aux élections européennes, son parti est arrivé largement en tête en Italie, avec près de 29 % des suffrages.
« Le chancelier du peuple »
Là encore, cette évolution n’a rien d’une évidence. L’extrême droite autrichienne a participé à des coalitions avec les conservateurs en 2000 et 2017. Mais cela ne l’a pas empêché de se radicaliser de plus en plus au fil des années. « Le parti ne s’est recentré en aucune façon, bien au contraire. Sur la durée, il n’a pas non plus perdu en popularité en participant à des coalitions », explique Kai Arzheimer, professeur de sciences politiques à l’université de Mayence et spécialiste de l’extrême droite.
Sous l’impulsion de son leader, Herbert Kickl, le FPÖ s’est au contraire radicalisé. Il a repris les thèses complotistes des antivax, dénonce le « communisme climatique » et prône une politique de « remigration » pour l’Autriche. Adepte des outrances verbales, le chef du FPÖ qualifie les mouvements identitaires autrichiens d’« ONG de la droite » et se présente comme « le chancelier du peuple », une expression utilisée par Adolf Hitler.
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