Le ton est virulent, glacial, à l’image de la crise diplomatique dans laquelle la relation franco-algérienne a plongé il y a quelques mois. Lors d’une interview à la télévision algérienne ce week-end, le président Abdelmadjid Tebboune a annulé sa visite d’Etat à Paris et a eu des mots très durs contre la France sur une série de sujets,ciblant en particulier une « minorité » qui sape le rapprochement entre les deux pays.

Sur la question de la colonisation française, le président algérien n’a pas hésité à parler de « génocide » : « L’Algérie a été choisie pour […] le vrai grand remplacement » , qui consiste à « chasser la population locale pour ramener une population européenne avec des massacres, avec une armée génocidaire », a affirmé le président algérien, un mois exactement après sa réélection pour un second mandat . Il a accusé une « minorité haineuse » en France de bloquer toute avancée sur le dossier mémoriel.

« Je n’irai pas à Canossa »
Interrogé sur le fait qu’Alger ne récupérerait pas ses ressortissants visés par des obligations de quitter le territoire français (OQTF), le président algérien a balayé des « mensonges hypocrites » destinés à « faire détester l’Algérie aux Français ». Il a renvoyé vers un sujet plus « sérieux » : l’impact des 17 essais nucléaires français effectués dans les années 1960 dans le Sahara algérien. « Vous voulez qu’on soit amis, venez nettoyer les sites des essais nucléaires », a-t-il lancé.
Quant à la renégociation de l’accord de 1968 qui octroie un statut particulier aux Algériens désirant s’installer en France, relancée à plusieurs reprises ces dernières années par la droite française, c’est devenu un « étendard derrière lequel marche l’armée des extrémistes », a fustigé le président algérien.
Interrogé en conclusion sur sa visite d’Etat en France, Abdelmadjid Tebboune a lancé : « Je n’irai pas à Canossa », employant une expression du chancelier allemand Bismarck signifiant qu’il n’irait pas « supplier un pardon ». Repoussée à plusieurs reprises, finalement prévue fin septembre ou début octobre de cette année, la visite d’Etat du président Tebboune devait s’inscrire dans la continuité de celle d’Emmanuel Macron en Algérie en août 2022, où les deux présidents avaient signé la « déclaration d’Alger » pour un « partenariat renouvelé ».

« Il ne ferme pas la porte »
Dans la foulée, une partie du gouvernement français s’était rendue à Alger, et une commission mixte d’historiens s’était mise au travail . Depuis, le réchauffement s’était poursuivi tant bien que mal, quoiqu’un peu trop lentement, entendait-on du côté de la diplomatie française. Jusqu’à l’annonce, fin juillet, du renforcement du soutien de la France au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Fidèle soutien des indépendantistes sahraouis, Alger a immédiatement retiré son ambassadeur en France.

« Le président algérien ne ferme pas la porte à une relance des relations franco-algérienne », remarque cependant Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen. « Pour une fois, il a dit explicitement les gestes forts qu’il attendait de la France sur la mémoire, les essais nucléaires… » Le chercheur souligne également que le président algérien « n’a pas critiqué Emmanuel Macron », avec qui il a toujours affiché sa bonne entente, « mais la droite et l’extrême droite française qui posent des exigences très élevées à un rapprochement avec Alger. »

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