A côté de Proxima et d’ilisto (Kevin Speed) , une autre start-up française prépare activement son entrée sur le marché hexagonal du train à grande vitesse. Dans le cas de la compagnie Le Train (un nom provisoire qui cédera la place à une marque commerciale non encore définie), ce sera dès 2027. Un calendrier serré étant donné les nombreuses barrières à franchir pour entrer sur ce marché, qui détaille Alain Getraud, cofondateur et directeur général de la société.

Comme pour ses deux congénères, Le Train s’est choisi un positionnement original : les liaisons régionales dans le Grand Ouest sur d’assez longues distances, sans jamais passer par Paris, à raison de cinquante trains quotidiens et onze gares servies dès la première année. Par exemple, Bordeaux-Rennes ou La Rochelle-Tours-Nantes. Ce qui n’en fera pas un concurrent direct de la SNCF, peu ou pas présent sur ces segments de marché avec ses TGV.

Dix rames pour commencer
Pour la petite équipe de vingt personnes installée à Bordeaux, aidée de consultants, plusieurs étapes d’importance sont déjà acquises. La future compagnie qui devrait démarrer avec un effectif de 150 salariés a obtenu sa licence de transporteur ferroviaire en 2022, ainsi que les sillons indispensables pour faire rouler les trains, demandés à SNCF Réseau.
Dès janvier 2023, elle a passé commande chez le constructeur espagnol Talgo d’un lot de dix rames de trains Avril 350, les TGV de nouvelle génération à un seul niveau qui ne roulent pour l’instant que chez Renfe en Espagne. Lequel a d’ailleurs connu beaucoup de problèmes techniques à leur mise en service. Le montant du contrat n’est pas révélé, mais il est courant dans le secteur que le client verse un acompte de 10 à 15 % du total avant le lancement de la production des rames.
Enfin, quant au financement, « nous en sommes à la cinquième opération depuis la mise des fonds propres du départ. En l’occurrence, la troisième levée de fonds, portant sur plusieurs centaines de millions d’euros, avec de nouveaux partenaires, qui devrait être bouclée à la fin de l’année pour aller jusqu’au bout [de la phase de lancement, NDLR] », selon Alain Getraud. La précédente levée de fonds de la future compagnie privée portait sur 8 millions d’euros. Le management pour l’instant prépondérant sera dilué au profit d’un ou deux actionnaires majoritaires, qui viendront compléter les soutiens actuels : Crédit Mutuel Arkéa, Crédit Agricole et des fonds régionaux.

Un marché loisirs très majoritaire
Quant au positionnement commercial, il est déjà calé. Avec ses trains à 12 voitures qui compteront 350 à 400 places, « nous sommes sur un marché loisirs pour 70 à 80 % des clients, mais nous ne serons pas low cost », indique-t-il. Comme défini auprès du fabricant, les trains Talgo seront équipés de « deux ambiances », l’une classique et l’autre « semi-business », ainsi que d’une voiture restauration.

Le train, c’est tendance, le marché est là, c’est un des plus gros à l’avenir, et nous allons proposer un service inédit.
Alain Getraud, cofondateur et directeur général du Train

Alain Getraud veut à la fois surfer sur la demande croissante de train, et remplir des cases non couvertes. « Là où il y a un manque d’offre, c’est sur l’interrégional à grande vitesse. L’ouverture du marché doit servir à ça. Pour faire Bordeaux-Rennes, il n’existe rien de direct actuellement, il faut passer par Paris ! Le train, c’est tendance, le marché est là, c’est un des plus gros à l’avenir, et nous allons proposer un service inédit », s’emballe l’ingénieur-entrepreneur. Reste à régler l’épineuse question des circuits de distribution des billets. Si le géant SNCF Connect refuse d’héberger ses TGV dans ses systèmes, comme pour Trenitalia France même avec des commissions, il faudra passer par des relais plus confidentiels , comme Trainline, Tictatrip, Omio ou Kombo.

Angle mort du réseau national
En attendant de recevoir ses tout nouveaux TGV, Le Train a fait aussi une offre surprise sur un autre créneau : les trains d’équilibre du territoire (TET), traditionnellement subventionnés par l’Etat et non couverts par la grande vitesse. La start-up a déposé sa candidature pour les deux lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon qui seront réattribuées prochainement à la SNCF ou à un challenger. La procédure avait été interrompue fin 2020 alors que l’opérateur historique était le seul candidat, suite au retrait de Transdev. Pour ce deuxième essai, la Renfe a fait mine de concourir mais n’a pas donné suite.

« Nous avons fait une bonne proposition, avec une offre robuste comparée aux quatre fréquences actuelles sur chaque ligne », annonce aux « Echos » Alain Getraud. Angle mort du réseau national, « ces trains sont fréquentés, les lignes Intercités ont de l’avenir ». L’Etat devrait faire son choix au début 2025, et si Le train était retenu à la place de la SNCF, il reprendrait les trains existants Alstom Coradia bimode (électrique diesel), et la subvention afférente pour les faire rouler au quotidien.

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