« Je baisse, j’éteins, je décale : chaque geste compte pour économiser de l’énergie ». Les slogans des spots publicitaires du gouvernement, invitant à modérer sa consommation d’électricité pendant la crise de l’énergie, sont passés dans les moeurs. A tel point que globalement la consommation reste très en deçà de son niveau d’avant-crise.

Selon RTE, sans tenir compte des effets météo, les Français consomment environ 8 % de moins par rapport à la période 2014-2019. En atteste le reflux des prix des électrons sur les marchés de gros mais aussi les records d’exportation. Cette année, la France est en piste pour battre son record historique datant de 2002 , puisque le cap des 80 TWh fournis à l’étranger devrait être franchi.

Des investissements massifs à porter
A priori, c’est une bonne nouvelle, tant pour le climat que pour le portefeuille des ménages et des entreprises. Mais cette consommation atone pourrait aussi avoir des conséquences très délétères, avec le risque in fine de voir s’envoler le coût pour les consommateurs des investissements dans la transition énergétique.
L’annonce, ce jeudi, du bond des coûts d’acheminement d’électricité par le régulateur l’illustre en partie. Une part de cette envolée de 10 % est en effet liée à la chute de revenus d’Enedis qui, pendant les années de crise, a vu la consommation des ménages (et donc ses revenus) baisser. Au total, le distributeur a accumulé 3,5 milliards d’euros d’avance de trésorerie… à régulariser, donc récupérer, aujourd’hui auprès des consommateurs.
En théorie, les investissements massifs dans les infrastructures électriques, pour moderniser des lignes à haute tension de RTE, celles de basse et moyenne tension d’Enedis, construire de nouveaux champs solaires, éoliens et surtout… des réacteurs nucléaires devaient être amortis par l’essor de la consommation électrique. Or le décollage est plus long que prévu.
La faute aux changements d’époque : les collectivités se sont équipées d’ampoules à LED, la production industrielle, chez les électro intensifs, n’a pas retrouvé son niveau d’avant-crise. Ou encore à l’attentisme des industriels et des consommateurs de véhicules électriques qui hésitent à investir compte tenu du reflux des prix des combustibles fossiles et… des hésitations des pouvoirs publics à poursuivre le soutien à l’électrification .
Ce scénario n’était pas vraiment dans les plans des pouvoirs publics et il commence à très sérieusement inquiéter EDF, dont la trajectoire financière est intimement liée au niveau des prix de l’électricité.
« Luc Rémont ne cesse d’alerter sur la faiblesse de la consommation », atteste un proche. Cet été déjà, lors de la présentation des résultats du groupe, il alertait sur la chute de la demande de pompes à chaleur, suite au coup de rabot sur MaPrimeRénov’ et appelait le gouvernement à stabiliser la réglementation. De fait, si le groupe porté par ses ventes d’électricité réalisées traditionnellement avec deux ans d’avance devrait encore cette année profiter des prix très élevés de la crise de l’énergie, les années 2025 et 2026 pourraient s’avérer bien plus compliquées.

Faire coller les mises en chantier à la consommation réelle
Pour le moment, le gouvernement n’a pas changé ses plans. En déplacement à Fécamp ce vendredi, Agnès Pannier-Runacher, la nouvelle ministre de la Transition écologique, et Olga Givernet, la ministre déléguée chargée de l’Energie, doivent confirmer le lancement du giga appel d’offres de 10 GW attendu dans l’éolien en mer pour atteindre les 18 GW promis à la filière d’ici à 2035.
En coulisses, néanmoins, de plus en plus de doutes s’expriment sur la nécessité de faire coller les mises en chantier de nouvelles centrales avec la réalité de la consommation électrique.

« Si la consommation reste atone, la question finira par se poser pour l’éolien en mer comme pour les nouvelles centrales nucléaires », estime une source au sein des pouvoirs publics. Le sujet sera sans aucun doute au coeur des débats de la nouvelle concertation sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) que doit relancer Olga Givernet dans les prochaines semaines.

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