C’est la traduction concrète du plan négocié par l’Etat-actionnaire en 2023 avec la Commission de Bruxelles pour éviter une liquidation pure et simple de l’entreprise. Sauf anicroche juridique, Fret SNCF se scindera en janvier 2025 en deux sociétés de nature différentes.
L’avant-dernier ministre des transports Clément Beaune avait négocié un « plan de discontinuité » pour éviter que la société publique doive rembourser 5,3 milliards d’euros d’aides publiques tenues pour illégales et perçues à partir de 2005. Ce qui aurait aussitôt entraîné sa perte. Cet accord imposait aussi à l’opérateur historique de céder un total de 23 flux domestiques à ses concurrents comme l’allemand DB Cargo ou le belge Lineas. Une cession réalisée au cours du premier semestre.
Lundi, la branche marchandises de la SNCF a annoncé la prochaine création de deux nouvelles sociétés, un dossier en gestation depuis des mois. Hexafret, avec 4.000 salariés, acheminera les marchandises qui n’ont pas encore été cédées à la concurrence, sous divers formats commerciaux (du wagon isolé au train complet). Cela représente plus de 1.100 trains longue distance par semaine reliant au total 1.300 sites en France ou en Europe.
De son côté, la nouvelle société Technis (500 employés et une dizaine d’ateliers dans l’Hexagone) fournira de la maintenance de matériel roulant à la SNCF ainsi qu’à d’autres clients tiers comme des loueurs, des opérateurs, voire des constructeurs.
L’ombrelle de Rail Logistics Europe
Les deux prochaines sociétés prendront place comme avant sous l’ombrelle de Rail Logistics Europe (RLE), le pôle spécialisé de la SNCF qui compte d’autres marques occupant des segments de marché différents (comme Captrain, Naviland Cargo ou VIIA). Juridiquement, elles ne pouvaient postuler à la reprise des actifs dont Fret SNCF a été dessaisi.
Les syndicats de la SNCF sont vent debout contre cette forme de délestage subit. Ils évoquent « un carnage social » et auraient préféré un passage en force plutôt qu’un compromis politique. Mais la France a tout fait pour éviter une décision bruxelloise aussi sévère que dans le cas de l’enterrement de l’ex-compagnie aérienne Alitalia. Pour cette dernière, la jurisprudence avait été redoutable (50 % d’activité et d’effectifs éliminés en un trait de plume).
Au total, Fret SNCF perd certes des actifs au passage, devant abandonner à la concurrence 30 % de son trafic , 20 % de son chiffre d’affaires annuel et 10 % de ses effectifs (soit 500 cheminots). Mais ces derniers seront repostés sans licenciement dans d’autres entités du groupe public. Des conducteurs de trains de fret sont déjà passés sans casse sociale sur les réseaux passagers de TER. Preuve que la pilule n’est finalement pas si dure à avaler : la direction se fixe pour les deux nouvelles sociétés Hexafret et Technis un objectif de chiffre d’affaires de 700 millions dès 2025… soit le même niveau qu’en 2023.
Ouverture du capital en préparation
Restent encore deux points à affiner pour clore le dossier empoisonné de l’ex-Fret SNCF. Pour plaider sa cause à Bruxelles, Paris a négocié que Rail Logistics Europe (RLE) ouvre bientôt son capital à un investisseur extérieur pour s’aligner à l’avenir sur les normes d’un investisseur avisé, selon un proche du dossier. Autrement dit, tendre moins spontanément la sébile à l’Etat dès que la concurrence étrangère menace. Le contrôle du nouvel entrant pourrait ainsi aller jusqu’à 50 % du capital, selon la même source.
D’autre part, un autre point technique est apparu ces dernières semaines, lié aux particularités du statut de cheminot et qui concerne les 4.600 salariés maintenus dans les deux nouvelles entités. La plupart d’entre eux étant « au statut » (donc embauchés avant la dernière réforme), ceci entraîne par construction une surcotisation salariale et moins de cotisations chômage pour l’employeur.
Selon nos informations, la maison-mère SNCF souhaite garder à son étage cette surcotisation dite « T2 » dans le jargon maison et doit présenter un dossier à Bruxelles pour que cette disposition soit classée comme une « aide compatible ». La réponse européenne devrait prendre quelques mois. Soit après la mise en route des deux sociétés Hexafret et Technis.
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