La filière automobile a réussi à convaincre le gouvernement. Deux semaines après le Mondial de l’auto, porte de Versailles à Paris, l’exécutif a décidé de demander à la Commission européenne de ne pas appliquer les sanctions à l’encontre des constructeurs qui n’arriveraient pas à atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2 en 2025.
« Je considère que les constructeurs fermement engagés dans l’électrification des véhicules ne devraient pas avoir à payer d’amendes, a déclaré dimanche le ministre de l’Economie Antoine Armand dans une interview aux « Echos ». Je défendrai cette position avec le ministre délégué à l’Industrie Marc Ferracci auprès de la Commission et de nos homologues. »
Une trop grande marche
Le règlement européen dit « CAFE » prévoit depuis 2019 une trajectoire de baisse des émissions de CO2 des voitures neuves, qui débouche en 2035 sur l’interdiction des ventes de modèles à essence. En 2025, la marche à descendre est de -15 % par rapport au précédent palier de 2020. Cela suppose de vendre une voiture électrique pour pouvoir vendre quatre voitures thermiques, résument les représentants de la filière.
Cette marche est trop grande, martèle depuis le milieu de l’été le patron de Renault Luca de Meo, à l’unisson des constructeurs allemands . Or, des pénalités s’élevant à 95 euros par gramme de CO2 excédentaire, multiplié par le nombre de voitures vendues dans l’année, sont prévues pour les mauvais élèves.
Les projections varient quant au montant des pénalités qu’auraient à verser les acteurs du secteur qui ne parviendraient pas à remplir leurs quotas. La filière parle de 10 à 16 milliards de pénalités . Les analystes d’HSBC tablent plutôt, dans leur scénario central, sur un montant potentiel de 5,1 milliards.
Renault serait exposé, estime-t-on au sein de l’exécutif, à hauteur de quelques centaines de millions d’euros. « Politiquement, on ne peut pas assumer que Renault soit plombé par des amendes, ou doive acheter des quotas de CO2 à des concurrents chinois », glisse-t-on au sein de l’exécutif. Côté français, seul Stellantis veut conserver les règles.
Une solution ciblée
« La France souhaite désormais que la Commission européenne propose une solution ciblée afin que les acteurs vraiment engagés dans cette transition n’aient pas à payer d’amende au titre de 2025, sans remettre en cause notre trajectoire de décarbonation des mobilités », détaille Marc Ferracci aux « Echos ». En clair, pas question de remettre en cause l’interdiction de fin de vente de voitures thermiques en 2035.
Marché automobile déprimé, baisse voire disparition des subventions publiques à l’achat de voitures électriques notamment en Allemagne… « Les constructeurs commencent à anticiper des baisses de volumes supplémentaires sur les modèles thermiques pour tenir les objectifs de CO2, s’alarme-t-on dans l’entourage de Marc Ferracci. Cela entraînerait très directement des baisses d’activité, avec de lourdes conséquences sur l’emploi chez les sous-traitants. »
Rallier une coalition
L’exécutif se montre flou sur les voies possibles pour faire sauter les pénalités. Il fait valoir qu’il veut simplement convaincre la Commission européenne qu’il y a un problème à régler, sans empiéter sur les compétences de cette dernière en lui suggérant comment faire. Du côté de Bercy, on espère seulement, à ce stade, que la Commission européenne prenne une décision ciblée sur les seules pénalités, sans rouvrir le règlement, ce qui reviendrait à rouvrir une boîte de Pandore .
Les pénalités, explique-t-on au ministère de la Transition écologique, sont exigibles jusqu’à la fin 2026, ce qui laisse le temps à Bruxelles de plancher sur le sujet. Le paiement des amendes pourrait par exemple être étalé, ou la Commission pourrait tout simplement ne pas les réclamer.
Pour y parvenir, Paris compte rallier une coalition de capitales à sa cause. Dès ce lundi. Antoine Armand se rendra lundi et mardi à Bruxelles pour les réunions de l’Eurogroup et de l’Ecofin. En visite à Berlin en début de semaine, Marc Ferracci devrait chercher à convaincre ses interlocuteurs allemands. Le premier constructeur menacé par des pénalités n’est autre que le géant Volkswagen.
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