Nouvelle mission pour le milliardaire touche-à-tout Elon Musk. Le patron de Tesla et de SpaceX, fervent soutien de Donald Trump durant la campagne présidentielle américaine, a été nommé par le président élu à la tête d’un « département d’Etat pour l’efficacité gouvernementale ». Objectif : déréguler au maximum et couper à la machette dans les dépenses jugées inutiles dans la fonction publique. La rude méthode Musk, déjà éprouvée chez Tesla, avec des suppressions de postes massives cette année, mais aussi chez X, le réseau social qu’il a racheté en octobre 2022, va donc être appliquée au niveau fédéral. Reste à savoir quels en seront les effets.
Chez l’ex-Twitter, la reprise en main opérée par l’homme d’affaires d’origine sud-africaine a été violente. Quelques jours après sa prise de contrôle, Elon Musk a licencié la moitié des 7.500 salariés de Twitter. Sa méthode sans gant – un euphémisme -, a laissé des traces plus larges. La recrudescence des messages haineux et de désinformation depuis la reprise du réseau social a entaché sa réputation. L’ex-réseau à l’oiseau bleu, qui a servi de relais d’opinion important dans la campagne présidentielle américaine, a encore perdu des plumes.

Audiences en repli
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis qu’Elon Musk a déboursé 44 milliards pour racheter Twitter, le fonds Fidelity a plusieurs fois révisé à la baisse la valorisation de l’entreprise, qui ne vaudrait plus que 9,4 milliards de dollars, selon la dernière estimation de septembre, soit une décote de 78,7 %.
La valeur de la marque X serait, quant à elle, en chute libre : estimée à 5,7 milliards en 2022, puis encore à 3,9 milliards l’an passé, elle est tombée à 673,3 millions de dollars, selon les calculs du cabinet Brand Finance. Cet indicateur est, certes, intangible et difficile à calculer, mais sa baisse brutale révèle la perte d’attractivité du réseau social.
Côté audiences, les données de sociétés tierces comme SimilarWeb montrent que plus Elon Musk utilise X comme tribune politique véhiculant des idées radicales, plus les utilisateurs partent sur les réseaux concurrents – comme Threads et Bluesky.
Aux Etats-Unis, le nombre d’utilisateurs actifs a décru d’un cinquième, et au Royaume-Uni, d’un tiers, depuis juillet 2023 et l’abandon de la griffe Twitter. En septembre, le Brésil a débranché X et ses 19,1 millions d’utilisateurs. A fin 2024, Statista projette une audience mondiale en déclin à 335,7 millions de personnes, contre 368,4 millions au sommet, en 2022. X revendique de son côté 547 millions d’abonnés au total.

Chute des revenus publicitaires
Sur le front financier, c’est pire. Elon Musk avait dit avoir perdu la moitié des revenus publicitaires de la plateforme en juillet 2023. Selon le « New York Times », X a encore décroché en 2024, avec un recul de 53 % sur un an au second semestre aux Etats-Unis. Le média Axios s’attend à ce que la plateforme génère 2 milliards de dollars de revenus publicitaires en 2024, contre 4,5 milliards en 2021.
La plateforme a subi un boycott de 200 annonceurs il y a un an, avec des poids lourds comme Apple ou Disney. Cela peut « tuer l’entreprise », s’était alarmé Elon Musk, tout en clamant : « Si quelqu’un essaye de me faire chanter avec la publicité… Allez vous faire foutre ! »
X est devenu un tout-à-l’égout à fake news extrêmement radioactif pour les marques.
Jean Allary, associé chez Artefact

Cet exode serait encore d’actualité, avec à peine sept annonceurs revenus, selon le « Financial Times », et il inquiète le propriétaire de la plateforme, qui a dénoncé en septembre un « boycott illégal », et a attaqué en justice des groupes d’annonceurs. L’institut Kantar prévoit que 26 % des annonceurs (un record) réduiront leurs budgets en 2025.
La principale raison invoquée est la « brand safety », ou le risque que les publicités figurent à côté de contenus violents. « X est devenu un tout-à-l’égout à fake news extrêmement radioactif pour les marques », résume Jean Allary, associé chez Artefact. Pendant les JO de Paris (le réseau social est resté un lieu privilégié pour le sport), des annonceurs ont intégré leurs messages directement dans les vidéos, comme chez France Télévisions, afin de maîtriser le contexte de publication.

« You are the media now »
« Les annonceurs n’ont plus besoin d’aller sur X pour toucher les jeunes. Désormais, ils vont sur Instagram et TikTok, et ils sont contents de ne plus dépendre de ce réseau », poursuit Jean Allary. Il prévient toutefois qu’il ne faut pas enterrer la plateforme trop tôt. « X est resté l’endroit où l’on poste l’information en premier, et les médias et les politiques sont encore là », observe-t-il, même « si on est passé d’un lieu de breaking news à une plateforme politique ».

Les mésaventures de X seraient aussi une histoire de point de vue, recadre Sébastien Houdusse, directeur de la stratégie de l’agence de publicité BETC. Avec la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, le 5 novembre, Elon Musk a « repositionné la plateforme à travers une campagne axée sur la liberté d’expression absolue ‘face aux élites médiatiques diffusant des fake news’. Il affirme donner la parole au peuple, à qui il a déclaré juste après l’élection : ‘Vous êtes les médias maintenant.’ »

Reste à voir l’influence réelle qu’aura X pour la Maison-Blanche, maintenant qu’il est tiré par l’attelage Musk-Trump. Pour Sébastien Houdusse, « c’est un peu le retour de l’ORTF, ou plutôt de la ‘Pravda’. » Mais selon le « Financial Times », des annonceurs et de grandes marques seraient déjà prêts à revenir sur la plateforme compte tenu du nouveau rôle et de l’influence d’Elon Musk dans la future administration américaine. La messe n’est pas encore dite pour X.

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