Nouveau rebondissement dans l’affaire du scandale des eaux en bouteille de Nestlé. « Cela va au-delà de tout ce qu’on avait imaginé. On parle désormais de contamination après traitement. On doit faire le point sur l’ensemble des risques liés à l’utilisation massive de techniques prohibées », déclare le Sénat dans un communiqué.
C’est pourquoi la chambre a décidé dans la soirée du 6 novembre de créer une commission d’enquête sur le sujet. Elle « fait suite à l’utilisation du droit de tirage du groupe socialiste, écologiste et républicain, décidée dans le sillage des enquêtes journalistiques de Mediacités, Radio France, ‘Le Monde’ et Mediapart, ainsi qu’à l’impulsion du sénateur de l’Oise, Alexandre Ouizille, et de ses collègues », indique le Sénat. Alexandre Ouizille sera le rapporteur de la commission d’enquête.
Ce travail durera des mois et permettra d’auditionner des experts en tout genre, des responsables politiques et des industriels de l’eau en bouteille. Il en résultera un rapport public, très complet sur le traitement de ces eaux en France, voire une proposition de loi. Sur le plan pénal, Nestlé Waters ne devrait plus être inquiété , le tribunal d’Epinal ayant « mis fin à toutes les enquêtes et plaintes déposées contre l’entreprise pour forages illégaux et tromperie du consommateur» moyennant notamment une amende de 2 millions d’euros.

On pensait n’avoir affaire qu’à une tromperie commerciale, mais non. C’est l’hydre de Lerne.
Alexandre Ouizille, sénateur de l’Oise

Pour Alexandre Ouizille, l’intérêt de la commission d’enquête ne cesse de se renforcer. « On pensait n’avoir affaire qu’à une tromperie commerciale, mais non. C’est l’hydre de Lerne. Chaque révélation fait surgir une nouvelle tête : une dimension sanitaire d’ampleur s’affirme ainsi qu’une menace écologique d’ampleur pour la ressource. »
Le Sénat juge nécessaire de « confronter publiquement Nestlé Waters et tous les autres industriels en cause ». En effet, « une autre dimension économique s’affirme de plus en plus : celle des risques sanitaires, économiques, écologiques et administratifs liés à l’exploitation de l’eau embouteillée en France ». Pour le sénateur Ouizille, « la révélation de présence d’arsenic dans les eaux minérales naturelles de Nestlé Waters à des niveaux de concentration non réglementaires change tout ». Sollicité par Les Echos, le groupe a réfuté tout dépassement des seuils autorisés pour l’arsenic.

Quatre missions
Dans ces conditions, le Sénat fixe quatre missions à la commission d’enquête. Elle devra examiner l’ensemble des risques, surtout sanitaires, économiques et écologiques, liés aux techniques interdites utilisées par les industriels de l’eau en France.
Ensuite, elle examinera avec soin la connaissance qu’avaient les membres du gouvernement de ces pratiques et les réponses entreprises à la suite du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de juillet 2022 et des rapports des agences régionales de santé (ARS), de la DGCCRF, de l’Anses et d’autres services d’exploitation de l’eau en bouteille en France.
« Les ministres Pannier-Runacher, Véran et Borne doivent rendre des comptes publiquement devant le Parlement et devant les Français. C’est bien beau de demander des rapports, mais si c’est pour les enterrer dans la foulée, cela pose des questions sérieuses », dit encore le Sénat.
La commission d’enquête s’interrogera aussi sur les ordres donnés aux agences de contrôle, la disparité d’action des ARS, selon la localisation des sources. Ainsi que sur l’absence de sanctions malgré les alertes de la DGCCRF. Elle se penchera enfin sur « l’accaparement des sources par des acteurs industriels et les impacts potentiels de cette exploitation sur la durabilité de la ressource ».

Nestlé Waters prêt à «coopérer pleinement»
Nestlé Waters dit «vouloir pleinement coopérer avec le Sénat». Le groupe a mis un terme aux «traitements non conformes des eaux minérales utilisés par le passé». Et affirme que, malgré l’utilisation de filtres au charbon actif et d’ultra-violets interdits, «la composition minérale a toujours été celle figurant sur les étiquettes». Nestlé Waters France précise que, depuis la mise au jour de toutes les irrégularités, il a «mené une transformation d’ampleur de son activité d’eau en bouteille» afin de respecter la réglementation française. Cela concerne les sites des Vosges (Hépar, Contrex, Vittel) et de Vergèze (Perrier). «Un plan de contrôle renforcé de la qualité» a été mis en place. Les puits, sensibles aux aléas climatiques parce que trop proches de la surface ou trop anciens, ont été fermés. Nestlé Waters a également accéléré les investissements de long terme pour protéger l’environnement autour des sources.

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