« Alexa, joue « Happy Birthday » de Stevie Wonder. » Il y a dix ans, l’assistant vocal d’Amazon faisait irruption dans les foyers américains : le géant de l’e-commerce avait annoncé son lancement le 6 novembre 2014, avec son enceinte connectée Echo. En France, le célèbre assistant avait été déployé quatre ans plus tard, en juin 2018. Pour son dixième anniversaire, Alexa fait face aux nouveaux défis posés par l’intelligence artificielle générative et la nécessité de se réinventer dans un marché marqué par l’irruption des solutions de nouveaux acteurs comme OpenAI.
Les origines d’Alexa remontent à 2011, quand le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos , aurait dessiné un premier prototype d’enceinte connectée sur un tableau blanc. Mais l’entreprise a également puisé son inspiration dans la science-fiction. « Notre objectif est de créer un ordinateur à commande vocale dans le cloud – Alexa – capable de fonctionner exactement comme l’ordinateur de Star Trek », expliquait David Limp, l’ancien vice-président des Appareils et des Services d’Amazon au magazine « Fortune » en 2016. Dans la saga de science-fiction, l’ordinateur omniscient était en effet capable de répondre aux commandes par la voix.

Concurrence d’Apple
L’enjeu était de taille pour le géant américain, soucieux de ne pas revivre le même échec qu’avec son modèle de smartphone, sorti quelques mois avant Alexa. Baptisé le Fire Phone, l’appareil, jugé trop coûteux, n’avait pas trouvé son public et avait finalement été retiré des ventes en 2015. Amazon arrivait aussi quelques années après Siri, l’assistant vocal d’Apple déployé sur les iPhone dès 2011.
Par rapport à Siri, Alexa avait néanmoins l’avantage de ne pas être circonscrite dans un smartphone mais dans une enceinte, capable, en théorie, d’entendre les commandes depuis l’autre bout de la pièce. L’assistant permet de répondre à des requêtes assez simples comme programmer des minuteurs ou lancer de la musique.
Alexa permet également de contrôler des appareils connectés par la voix. Au fil des années, la firme a d’ailleurs lancé une série d’objets pour la maison, du radio-réveil connecté au micro-ondes intelligent.
Le géant américain a également créé un écosystème similaire aux magasins d’applications. Les marques ou des développeurs peuvent ainsi élaborer non pas des applications mais des « skills » permettant de rajouter des fonctionnalités à Alexa.

Un demi-milliard d’appareils compatibles
Pour Amazon, l’assistant virtuel a entraîné un succès commercial. « Les clients du monde entier apprécient Alexa en tant qu’intelligence artificielle personnelle de confiance. Ils ont acheté plus d’un demi-milliard d’appareils compatibles avec Alexa », expliquait Eric Saarnio, vice-président international chargé des Appareils chez Amazon, en 2023.
Mais l’assistant a aussi connu son lot de controverses, que ce soit au niveau du respect de la vie privée, ou des nombreux bugs comme des rires glaçants déclenchés de manière inopinée. Même le nom donné au célèbre assistant virtuel, en référence à la célèbre bibliothèque d’Alexandrie selon ses créateurs, a fait polémique. Dans une tribune publiée dans « Business Insider », une rédactrice indépendante y accuse le géant de l’e-commerce d’avoir « ruiné » son prénom, et le nombre de bébés nommés Alexa a nettement chuté dans les maternités.

25 milliards de dollars de pertes
Ces dernières années, la presse américaine a surtout relaté les difficultés d’Amazon et de son assistant avec un gel des embauches en 2019, puis une vague de licenciements, notamment dans la division Alexa. Le « Wall Street Journal » révélait cet été que le géant de l’e-commerce a enregistré entre 2017 et 2021 plus de 25 milliards de dollars de pertes liées à son activité d’appareils.
Le produit a aussi semé le doute en interne : certains craignaient que l’entreprise ait « embauché 10.000 personnes pour construire un minuteur intelligent », expliquait un ancien cadre d’Amazon au média américain.
Désormais, l’entreprise veut lancer un « Alexa 2.0 » dopé à l’intelligence artificielle et plus performant. Le lancement de ChatGPT et de son mode vocal avancé au printemps dernier a définitivement donné un coup de vieux à Alexa. Plutôt que de répondre à des questions ou des requêtes, le chatbot d’OpenAI peut véritablement converser avec l’utilisateur, avec un ton plus naturel. Si Amazon travaille sur son propre modèle d’IA générative, le géant aurait aussi passé un partenariat avec Anthropic, rival d’OpenAI, pour utiliser son modèle Claude.

Un abonnement payant
Cette version dopée à l’intelligence artificielle aurait un coût : selon des informations de Reuters, l’entreprise américaine plancherait sur un abonnement entre 5 et 10 dollars par mois. Ce choix marquerait une rupture par rapport au fonctionnement gratuit d’Alexa, mais ne détonnerait pas par rapport aux stratégies d’OpenAI, Anthropic ou encore Microsoft. Ces dernières proposent des versions gratuites ainsi que des formules plus avancées à 20 dollars par mois.
Pour Mathieu Valloire, consultant tech chez EY Fabernovel, cela représenterait « un tournant dans la stratégie de monétisation » et permettrait à Alexa « de commencer à devenir rentable ». L’espoir initial que l’assistant virtuel booste les ventes sur Amazon ne s’est en effet jamais concrétisé.
Les adeptes de l’assistant virtuel devront encore attendre pour découvrir cette version améliorée d’Alexa. Selon Bloomberg, la sortie, prévue initialement cette année, a finalement été reportée en 2025.

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