Son mandat à la tête de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) aura été « renversant », selon ses propres mots. Avant de passer la main ce mercredi à Pierre-Marie Abadie, qui dirigeait jusqu’ici l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), Bernard Doroszczuk se livre.
Arrivé à la tête de l’Autorité de sûreté en 2018, il a vu la culture de l’atome redevenir centrale dans la politique énergétique française, ces dernières années. A la suite notamment des bouleversements de la crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine et à la mise à l’arrêt forcée de nombreux réacteurs d’EDF du fait de fissures (corrosion sous contrainte).
Plus de 40 événements de sûreté à Flamanville
Si cette décision a été prise par EDF et validée par l’ASN, rappelle Bernard Doroszczuk, pour lui, « la plus difficile » à prendre a été celle de juin 2019, lorsque l’ASN a demandé à EDF de réparer les fissures de traversée de l’enceinte de l’EPR de Flamanville, le premier réacteur construit en France depuis deux décennies. « Ce n’était pas la proposition d’EDF », rappelle le nouveau retraité, âgé de 67 ans. Et cela a engendré de nouveaux retards et surcoûts.
Alors que l’EPR a enfin été mis en service, il y a deux mois, l’ASN reste vigilante. « Il y a un nombre d’événements significatifs pour la sûreté qui est assez important, plus qu’une quarantaine depuis la divergence du réacteur », indique le président sortant de l’ASN.
Le phénomène étant « attendu », « pour l’instant, on ne peut pas dire que nous sommes inquiets », affirme-t-il, mais « il y a plus d’événements que ce qu’on pensait », et un « certain nombre » sont liés à des « erreurs humaines ». La majorité des événements sont classés au niveau 0 sur l’échelle de l’ASN, donc sans importance du point de vue de la sûreté, et 14 relèvent d’une « anomalie » de niveau 1, précise l’Autorité.
Alors que Flamanville tourne à 10 % de sa puissance pour le moment, « nous souhaitons qu’EDF vienne expliquer en audition au collège de l’ASN, au début de l’année prochaine, son retour d’expérience de cette montée en puissance », indique Bernard Doroszczuk. EDF pointe de son côté que l’EPR « nécessite une appropriation » et que les événements « de niveau 0 et 1 sont des anomalies sans impact réel sur la sûreté des installations ».
Un potentiel angle mort
La centrale de Flamanville devrait être connectée au réseau électrique avant la fin de l’automne, puis mise à l’arrêt dans un peu plus d’un an pour remplacer son couvercle. Défectueux dès l’origine, il deviendra un déchet nucléaire d’ampleur.
La gestion de l’ensemble des déchets nucléaires semble d’ailleurs un potentiel angle mort de la nouvelle politique énergétique de la France. Bernard Doroszczuk pointe « un certain nombre de catégories de déchets pour lesquels il n’existe pas encore de politique sûre de gestion ». Par exemple, les déchets de faible activité mais à vie longue des réacteurs toujours en attente de démantèlement à Chinon, Saint-Laurent et au Bugey.
Son successeur, Pierre-Marie Abadie, s’est déporté de ces sujets pour éviter tout conflit d’intérêts avec ses fonctions passées à l’Andra. Cela « n’empêchera pas l’ASN de prendre des décisions fortes » en la matière, assure son prédécesseur. La question des déchets est aussi capitale dans les réflexions en cours sur la faisabilité technique et l’acceptation sociale des futurs réacteurs.
Autre grand défi de l’Autorité, selon son président sortant : la « fragilité des installations du cycle du combustible ». Une situation illustrée par la saturation du site de retraitement d’Orano à La Hague et sa dépendance au bon fonctionnement de l’usine de recyclage Orano Melox. Enfin, l’adaptation des centrales au réchauffement climatique est au coeur du réexamen, par l’ASN, des réacteurs de 900 MW d’EDF. Le possible allongement de leur durée de vie pose aussi des questions sur le partage futur de l’eau, avec les autres usagers.
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